« Nous craignons que les procédures extraterritoriales soient l’occasion d’un pillage économique »
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Paru dans La Lettre des Juristes d’Affaires, N° 1320 du 09/10/2017
Toutes les entreprises n’ont pas la même maturité sur l’application de la loi Sapin II. Le Medef vient de présenter un guide de bonnes pratiques comportant des fiches pédagogiques pour accompagner les entreprises dans la mise en oeuvre de leurs nouvelles obligations de lutte contre la corruption. Corinne Lagache, présidente du comité Principes directeurs et déontologie internationale du Medef en présente les principales dispositions.
Pourquoi un tel guide ?
Nous regroupons des entreprises très variées, de tailles différentes, dans des secteurs économiques diversifiés, il nous fallait donc trouver un consensus sur notre lecture de la loi et comment appliquer l’article 17 qui oblige les entreprises, au travers de 8 obligations, à prévenir et détecter les faits de corruption et de trafic d’influence. L’un des enjeux communs, c’est l’exportation, et même si la loi vise seulement certaines entreprises, avec la combinaison d’autres réglementations, voire avec d’autres lois nationales extraterritoriales, de nombreuses entreprises finissent par être concernées.
Comment situez-vous la France par rapport aux autres pays ?
Les lois de transposition françaises des conventions internationales existaient déjà. Mais la France avait la réputation de ne pas les appliquer, car il n’y a pas eu de condamnation de grandes entreprises. Ce qui n’empêchait pas les entreprises françaises d’être poursuivies à l’étranger. La Loi Sapin 2 joue à la fois sur la prévention et sur la sanction en apportant des innovations comme la CJIP, une véritable révolution du droit pénal français. Avec cette loi, nous espérons que seront établies des conditions de concurrence similaires entre les entreprises françaises et leurs concurrentes étrangères. Et qu’elles seront évaluées, jugées et sanctionnées en France. Nous espérons aussi que la loi permettra que soit mieux appliqué le principe du non bis in idem et que les affaires éventuelles soit investiguées par les autorités françaises et non plus par des juridictions étrangères.
Le Code de conduite est la première pierre de la démonstration de l’engagement de l’entreprise dans la lutte anticorruption…
C’est un élément fondamental, qui doit dépasser la simple charte d’affirmation de grands principes. Il doit être pédagogique pour que les collaborateurs s’approprient des comportements adéquats. Parmi les autres éléments fondamentaux, il est nécessaire de définir une cartographie des risques réels de l’entreprise face aux risques d’intégrité, puis un programme de conformité associé très robuste. C’est le premier élément analysé par les procureurs et les juges. D’ailleurs, le faire vivre et évoluer sera aussi évalué
En ce qui concerne la due diligence, l’analyse doit-elle être permanente ?
Le compliance officer doit toujours avoir en tête l’idée de la traçabilité des opérations et des transactions, notamment internationales. En interne, c’est la procédure de conformité qui lui permet de définir le processus de due diligence adapté selon la catégorie de tiers, afin de détecter toute alerte qui bloquera l’opération ou la transaction envisagée. Cette due diligence est basée sur une analyse interne mais aussi externe afin de conforter la première et de mutualiser la responsabilité de cette due diligence. Les entreprises demandent depuis longtemps, notamment dans le cadre du G20, d’avoir accès à des bases de données internationales, notamment pour connaître les bénéficiaires ultimes de ses clients et fournisseurs. La limitation des risques se trouve dans la pertinence des informations recueillies.
Quel rôle pour les avocats ?
Les entreprises ont besoin d’avocats en interne, par exemple pour définir les sanctions disciplinaires lors de découvertes de comportements inappropriés. De même, pour sécuriser le processus menant d’une « alerte » à « protection du lanceur d’alerte ». Ou encore, lors des enquêtes civiles ou judiciaires, ou pour négocier la CJIP avec un procureur.
Les entreprises françaises seraient par ailleurs sans doute davantage protégées économiquement si ses avocats étaient des Français. La dimension « secret des affaires » nous préoccupe en effet beaucoup. Nous craignons que les procédures extraterritoriales soient l’occasion d’un pillage économique. Nous préférerions avoir de solides enquêteurs, avocats, experts, moniteurs français. Nous devons tous travailler en coopération, même avec l’État, c’est une question d’intelligence stratégique pour l’économie française.
Pourquoi un tel guide ?
Nous regroupons des entreprises très variées, de tailles différentes, dans des secteurs économiques diversifiés, il nous fallait donc trouver un consensus sur notre lecture de la loi et comment appliquer l’article 17 qui oblige les entreprises, au travers de 8 obligations, à prévenir et détecter les faits de corruption et de trafic d’influence. L’un des enjeux communs, c’est l’exportation, et même si la loi vise seulement certaines entreprises, avec la combinaison d’autres réglementations, voire avec d’autres lois nationales extraterritoriales, de nombreuses entreprises finissent par être concernées.
Comment situez-vous la France par rapport aux autres pays ?
Les lois de transposition françaises des conventions internationales existaient déjà. Mais la France avait la réputation de ne pas les appliquer, car il n’y a pas eu de condamnation de grandes entreprises. Ce qui n’empêchait pas les entreprises françaises d’être poursuivies à l’étranger. La Loi Sapin 2 joue à la fois sur la prévention et sur la sanction en apportant des innovations comme la CJIP, une véritable révolution du droit pénal français. Avec cette loi, nous espérons que seront établies des conditions de concurrence similaires entre les entreprises françaises et leurs concurrentes étrangères. Et qu’elles seront évaluées, jugées et sanctionnées en France. Nous espérons aussi que la loi permettra que soit mieux appliqué le principe du non bis in idem et que les affaires éventuelles soit investiguées par les autorités françaises et non plus par des juridictions étrangères.
« Nous craignons que les procédures extraterritoriales soient l’occasion d’un pillage économique » Corinne Lagache
Le Code de conduite est la première pierre de la démonstration de l’engagement de l’entreprise dans la lutte anticorruption…
C’est un élément fondamental, qui doit dépasser la simple charte d’affirmation de grands principes. Il doit être pédagogique pour que les collaborateurs s’approprient des comportements adéquats. Parmi les autres éléments fondamentaux, il est nécessaire de définir une cartographie des risques réels de l’entreprise face aux risques d’intégrité, puis un programme de conformité associé très robuste. C’est le premier élément analysé par les procureurs et les juges. D’ailleurs, le faire vivre et évoluer sera aussi évalué
En ce qui concerne la due diligence, l’analyse doit-elle être permanente ?
Le compliance officer doit toujours avoir en tête l’idée de la traçabilité des opérations et des transactions, notamment internationales. En interne, c’est la procédure de conformité qui lui permet de définir le processus de due diligence adapté selon la catégorie de tiers, afin de détecter toute alerte qui bloquera l’opération ou la transaction envisagée. Cette due diligence est basée sur une analyse interne mais aussi externe afin de conforter la première et de mutualiser la responsabilité de cette due diligence. Les entreprises demandent depuis longtemps, notamment dans le cadre du G20, d’avoir accès à des bases de données internationales, notamment pour connaître les bénéficiaires ultimes de ses clients et fournisseurs. La limitation des risques se trouve dans la pertinence des informations recueillies.
Quel rôle pour les avocats ?
Les entreprises ont besoin d’avocats en interne, par exemple pour définir les sanctions disciplinaires lors de découvertes de comportements inappropriés. De même, pour sécuriser le processus menant d’une « alerte » à « protection du lanceur d’alerte ». Ou encore, lors des enquêtes civiles ou judiciaires, ou pour négocier la CJIP avec un procureur.
Les entreprises françaises seraient par ailleurs sans doute davantage protégées économiquement si ses avocats étaient des Français. La dimension « secret des affaires » nous préoccupe en effet beaucoup. Nous craignons que les procédures extraterritoriales soient l’occasion d’un pillage économique. Nous préférerions avoir de solides enquêteurs, avocats, experts, moniteurs français. Nous devons tous travailler en coopération, même avec l’État, c’est une question d’intelligence stratégique pour l’économie française.
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