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« L’esquisse de critères français dans le cadre d’une CJIP post-information judiciaire doit encore être affinée »

Par Ondine Delaunay
Paru dans La Lettre des Juristes d’Affaires, N°1328 du 05/12/2017

La première Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) a été homologuée le 14 novembre dernier par le Président du TGI de Paris. Elle vise la banque HSBC Private Bank Suisse. Elle a été publiée, en français et en anglais, sur le site de l’Agence Française anti-corruption lundi dernier. Un événement sur la place pénale qui permet à la France d’obtenir enfin une crédibilité internationale, conformément aux objectifs de la loi Sapin II. Mais cette décision emporte quelques incertitudes. Explications par Astrid Mignon Colombet, associée du cabinet Soulez Larivière.

HSBC a choisi la voie de la CJIP, alors que dans une affaire quasiment similaire, UBS l’avait refusée. Quel intérêt pour HSBC ?

En préférant la CJIP, HSBC échappe à un jugement qui demeure aléatoire, avec des peines d’amendes potentiellement élevées (jusqu’à la moitié des avoirs dissimulés). La banque évite également toute reconnaissance de culpabilité, c’est bien tout l’enjeu de cette transaction pénale. Son casier judiciaire demeure vierge et elle est n’est pas ainsi privée d’accès aux marchés publics. La convention et l’ordonnance de validation rendue dans le cadre d’une information judiciaire précisent que la banque a reconnu les faits et accepté leurs qualifications pénales. Mais la subtilité de cette procédure, en partie calquée sur les modèles britannique et américain, est qu’il n’y a pas de prononcé judiciaire d’une condamnation.

L’inspiration anglo-saxonne est patente. Et pourtant aucun moniteur n’est désigné, contrairement au DPA signé par exemple par BNP Paribas avec le DoJ américain...

La CJIP reprend le même vocabulaire que celui utilisé par le DoJ et précise des modifications souvent imposées dans le système anglo-saxon comme « la désignation de nouveaux directeurs généraux [...] ». L’ordonnance met également l’accent sur « les mesures mises en place pour prévenir toute nouvelle dérive ». Or l’article 41-1-2 du CPP n’impose pas automatiquement à l’entreprise de se soumettre à un programme de mise en conformité sous le contrôle de l’Agence française anticorruption (mesure ressemblant à celle du moniteur). Une telle mesure ne devrait pas être nécessairement imposée si l’entreprise a démontré qu’elle avait elle-même réorganisé efficacement ses procédures internes. Ce n’est pas non plus le cas aux Etats-Unis.

L’inspiration anglo-saxonne est-elle également notable quant au calcul du montant de la sanction ?





Ni la loi Sapin II, ni son décret d’application ne fournissaient d’indication précise sur le mode de calcul de l’amende. Outre la « restitution des profits tirés des manquements constatés » citée au point 42, les points 43 et 44 de cette convention retiennent quatre critères permettant d’apprécier le montant de la pénalité financière complémentaire. Ils s’inspirent manifestement des standards américains. Il s’agit de la gravité des faits, de la révélation volontaire des faits aux autorités, de la coopération à l’enquête et de la reconnaissance par l’entreprise de sa « responsabilité pénale » durant l’information judiciaire.

Ce dernier critère est plus surprenant car il s’éloigne de l’esprit des dispositions de l’article 180-2 du CPP qui visent uniquement la reconnaissance des faits et l’acceptation de la qualification pénale. Or reconnaître les faits ou accepter une qualification ne signifie pas reconnaître sa culpabilité (à la différence de la procédure de CRPC) ! Cette première tentative d’esquisse de critères français dans le cadre d’une CJIP post-information judiciaire doit donc encore être affinée.

La CJIP relève également la coopération minimale de la banque aux investigations comme facteur aggravant. Comme en matière de DPA, les entreprises n’ont-elle pas l’obligation d’apporter leur concours aux enquêteurs ?

Le cas d’espèce est un peu particulier car cette procédure de CJIP a débuté alors qu’une information judiciaire était ouverte depuis 2013 et que l’option de la CJIP n’existait pas encore. Les faits avaient été qualifiés préalablement et des investigations avaient été menées dans le cadre de l’exercice de l’action publique. Les éléments matériels étaient donc déjà rassemblés par les autorités. Il est encore trop tôt pour dire comment sera motivée une CJIP conclue en cours d’enquête préliminaire. Mais l’esprit de la loi réclame bien une pleine coopération de la part de l’entreprise.




La signature de cette CJIP place-t-elle HSBC à l’abri de poursuites d’autorités étrangères ?





Dans le dossier Oil-for-Food II, le tribunal correctionnel de Paris, dans une décision de 2015, provisoire car soumise à appel, a considéré que même sans condamnation pénale, les accords de poursuites différées définitifs conclus aux Etats-Unis (DPA) avaient éteint l’action publique en France. Et c’est ce qui est déterminant pour une application transnationale du principe non bis in idem. Dans cette optique, la signature d’une CJIP devrait logiquement placer l’entreprise à l’abri des poursuites initiées par d’autres autorités pour les mêmes faits. L’article 4 § 3 de la Convention OCDE, invite en effet les Etats à se concerter en amont pour éviter les doubles poursuites. Mais cette disposition n’est pas encore suffisamment appliquée. L’un des enjeux des prochaines années sera donc d’améliorer la régulation internationale des poursuites en clarifiant les critères de concertation entre Etats et les conditions d’un règlement global des dossiers.













 
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