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« Le ministre de la Justice crée une véritable politique nationale de l’amiable »

Par Ondine Delaunay

Romain Carayol est président de la Fédération Française des centres de médiation (FFCM) depuis deux ans et pour laquelle il a de grandes ambitions. Il a par ailleurs été nommé par le garde des Sceaux, au printemps dernier, parmi les neuf ambassadeurs de l’amiable. Une mission qui s’inscrit dans la mise en place de nouveaux dispositifs de l’amiable. Explications.

Quel est l’objet de la Fédération Française
des centres de médiation et quels sont vos objectifs
en tant que président ?

La Fédération Française des centres de médiation est le premier réseau des centres de médiation français. Elle regroupe 77 centres répartis sur tout le territoire, à dimensions locale, nationale ou internationale et représentant plus de 1 300 médiateurs. Elle est une organisation professionnelle représentative, c’est-à-dire qu’elle ne propose pas de médiation mais favorise l’essor d’une bonne pratique, notamment en harmonisant les processus et les outils de mise en œuvre à travers la création d’une charte de labélisation des centres adhérents permettant à leurs médiateurs d’être agrées FFCM. Le CMAP est membre de la Fédération, tout comme IEAM ou encore Equanim International

La FFCM a vocation à réunir les professionnels libéraux exerçant la médiation en renforçant ainsi leur représentativité. Elle cherche à peser dans le débat public en étant une force de propositions pour faire évoluer les pratiques et les textes. J’ai par exemple fait partie du groupe de travail sur la justice civile au sein des États généraux du droit, qui a appelé de ses vœux le développement des modes de résolution amiable des litiges. Et le garde des Sceaux a pris la mesure de ce défi puisqu’il a mis en place, de manière inédite en France, une véritable politique de l’amiable en préparant un travail de refonte du livre V du code de procédure civile. Elle est le reflet du changement de sémantique du gouvernement à l’égard des modes de règlement amiable des litiges (MARL). Ceux-ci ne sont plus considérés comme une conséquence d’une justice judiciaire trop lente ou inefficace. Les MARL répondent à un besoin des justiciables visant à trouver une solution sur-mesure, raisonnable, efficace et confidentielle à leurs différends grâce à un tiers de confiance impartial.

Le décret portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire a été publié au Journal officiel le 29 juillet dernier. Il sera applicable à compter du 1er novembre prochain.
Qu’est-ce que ce texte introduit en droit français ?

Ce décret n° 2023-686 introduit en droit français deux nouveaux modes de règlement des litiges après la saisine du tribunal judiciaire. D’abord la césure qui permet une meilleure interaction entre les magistrats et les avocats lors du traitement d’un dossier contentieux. Sur initiative ou pas de l’avocat, le magistrat peut proposer aux parties de régler un point du dossier grâce à la médiation, le reste du litige étant traité par la voie judiciaire classique. Par exemple, dans un cas de faute, le magistrat a pour rôle de qualifier et de juger la responsabilité mais les parties pourraient avoir à cœur de s’entendre entre elles pour en régler les conséquences pécuniaires. Il serait ensuite possible de demander l’homologation de l’accord au juge pour lui conférer force exécutoire. Ce nouveau mécanisme est particulièrement intéressant pour permettre d’accélérer le traitement des dossiers et devrait, je l’espère, recevoir le soutien des acteurs du monde judiciaire, au tribunal et en cabinets car l’obtention d’un accord, même partiel, doit toujours être valorisée.

Quelle autre réforme prévoit le texte ?

Le décret crée également l’audience de règlement amiable – ou ARA – qui permet au juge de la mise en état ou au juge du fond de suspendre l’instance pour proposer aux parties d’être convoquées à une audience de conciliation, devant un juge conciliateur qui ne siège pas dans la même formation de jugement que lui. Si cette audience de règlement amiable aboutit à un accord, les parties pourront revenir devant le premier magistrat pour lui demander de l’homologuer.

Cette réforme vient créer une opportunité, au sein du dossier judiciaire, pour tenter aux parties de régler leurs différends par la voie amiable. Certains juges consulaires ou présidents de tribunaux de commerce la mettaient déjà en œuvre en pratique, mais le gouvernement a estimé qu’elle devait également être encouragée devant la justice civile. Le ministère de la Justice a d’ailleurs indiqué que des postes de juges dédiés à ces conciliations seront créés, notamment par recours à des magistrats à titre temporaire et des magistrats honoraires.

Le garde des Sceaux a également présenté, au printemps dernier, neuf ambassadeurs de l’amiable. Vous en faites partie. Quelle est votre mission ?

Le ministre de la Justice témoigne de son ambition de créer une véritable politique nationale de l’amiable. Les neuf ambassadeurs de l’amiable qu’il a nommés sont chargés de faire connaître le plan d’action du garde des Sceaux en faveur de ces nouveaux dispositifs. Au sein du ministère, notre mission relève de la Direction des affaires civiles et du Sceau qui est un soutien majeur dans sa mise en œuvre concrète. Nous irons donc au contact des territoires et des praticiens des 36 cours d’appel. À l’invitation des premiers présidents des cours d’appel, nous rencontrons les conciliateurs de justice, les médiateurs, bâtonniers, avocats, magistrats et fonctionnaires des juridictions locales pour échanger sur les outils existants, recenser leurs pratiques, leurs difficultés. Nous établirons ainsi une sorte de cahier de doléances que nous présenterons ensuite au garde des Sceaux pour permettre de contribuer à la valorisation des bonnes pratiques et répondre aux besoins identifiés. Le 26 juin 2023, la cour d’appel de Colmar a été la première à recevoir un trio d’ambassadeurs de l’amiable. Notre mission devrait se poursuivre en 2024.