L’Autorité de la concurrence explicite la procédure de transaction
Juste avant la fin de l’année 2018, l’Autorité de concurrence a publié son communiqué de procédure sur la transaction. Issu de plusieurs mois de réflexions et d’échanges avec les parties intéressées, il a vocation à donner plus de lisibilité et de visibilité aux entreprises qui souhaiteraient avoir recours à ce dispositif. Explications par Frédéric Puel, associé de Fidal.
Pourquoi l’Autorité de la concurrence a-t-elle publié ce communiqué ?
L’ancienne procédure de non contestation des griefs avait fait l’objet d’un communiqué de procédure du 10 février 2012 qui donnait la marche à suivre. En 2015, la loi Macron mettait en place la procédure de transaction ayant vocation à se substituer à la non contestation des griefs. Depuis son entrée en vigueur, elle a été appliquée à 12 reprises par l’Autorité. Mais il n’existait pas encore de communiqué de procédure relatif aux conditions de mise en œuvre. Jusqu’à présent, au regard des similitudes entre les deux procédures, l’Autorité s’appuyait sur le communiqué de 2012. Mais il était urgent de modifier les choses. C’est pourquoi, le 5 mars 2018, elle a publié un projet de communiqué qu’elle a soumis à l’avis des parties intéressées. Plusieurs réponses écrites lui ont été adressées – dont une de l’AFEC, de l’AAPDC et du cabinet Fidal, notamment – et les intervenants ont par la suite été réunis par l’Autorité lors d’une séance visant à détailler leurs arguments et à confronter les points de vue. Un exercice très intéressant qui a d’ailleurs permis de faire évoluer le communiqué final, l’Autorité de la concurrence ayant en effet tenu compte de beaucoup des observations.
Qu’apporte-t-il de nouveau ?
A l’époque de la procédure de non contestation des griefs, les services d’instruction conféraient une forte importance aux engagements pris par les entreprises. Rappelons que l’Autorité de la concurrence a un rôle bicéphale de censeur et de régulateur. Elle n’a pas uniquement vocation à punir. Elle doit également réguler. Dans différentes affaires de non-contestation de griefs, l’Autorité a pu accepter des engagements parfois originaux susceptibles d’améliorer significativement les conditions de concurrence sur les marchés concernés, tout en limitant le montant des amendes individuelles. Le débat était ainsi fortement centré sur les engagements et l’amélioration qu’ils pouvaient apporter sur le marché. Cela semble moins être le cas aujourd’hui dans le libellé du communiqué sur la transaction qui prévoit que si les engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables, le rapporteur général apprécie « s’il est pertinent de les prendre en compte au regard des circonstances particulières de l’affaire et, notamment, de la nature des griefs retenus ». Le ton change par rapport au libellé du communiqué sur la non-contestation des griefs qui prévoyait de façon assez précise une valorisation des engagements qui pouvait se traduire par une réfaction susceptible d’aller jusqu’à 15 % du montant de la sanction. L’Autorité semble se recentrer sur sa fonction de censeur.
L’ancien communiqué était-il donc plus avantageux pour les entreprises ?
Les engagements pris par les entreprises ne semblent plus pouvoir être valorisés de la même façon. Rappelons que dans la décision « Revêtements de sols » d’octobre 2017, l’Autorité avait très clairement annoncé qu’elle considérait que les grandes entreprises devaient être dotées d’un programme de compliance de sorte que les engagements de conformité ne conduiraient plus à une atténuation des sanctions. Ce communiqué de procédure étend cette approche à toutes les entreprises. On considère désormais qu’elles doivent toutes avoir fait leur audit pour vérifier si elles sont bien conformes aux règles de concurrence et, si ce n’est pas le cas, mettre en place des procédures internes pour restaurer les bonnes pratiques. Mais la nouvelle procédure présente l’avantage d’offrir une prévisibilité plus forte dans la mesure où elle prévoit que le Collège prononcera une sanction comprise dans les limites de la fourchette fixée par le procès-verbal signé avec les services d’instruction. Cette lisibilité fait disparaître cette crainte de possibles « faux soldes » que nous avions avec la procédure de non-contestation de griefs dans laquelle le nominal sur lequel le taux de réfaction négocié avec les services d’instruction s’appliquait, n’était connu qu’en fin de course. Avec ce nouveau mécanisme, l’entreprise connaît tous les termes de la procédure négociée (et notamment les plancher-plafond de sanction) et peut, s’ils ne lui conviennent pas, revenir en temps utile, à une défense au fond. La prévisibilité juridique est ainsi mieux assurée aujourd’hui. Je regrette néanmoins que le plafond de l’amende fixé à 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée en non-contestation n’ait pas été repris par l’Autorité en transaction. Il revient donc au maximum légal de 10 % avec un possible effet sur le montant des sanctions.
Quel espace est-il laissé à l’entreprise ?
L’Autorité de la concurrence donne ici un message clair aux entreprises : ce qui l’intéresse avant tout est l’efficacité et la rapidité des procédures. En économisant les délais de traitement du rapport, elle se libère du temps pour être plus active sur davantage d’affaires. C’est ce qui la conduit également à décourager à priori les procédures hybrides dans lesquelles certaines entreprises souhaiteraient s’orienter vers la transaction quand d’autres préfèreraient opter pour une défense au fond. Dans cette même optique de simplification et d’accélération, le rapporteur général pourra proposer une transaction aux entreprises en clémence et le cumul de ces procédures est susceptible de donner lieu à des résultats intéressants pour les entreprises qui souhaiteraient coopérer avec les services d’instruction.