Jean-Pierre Martel présente le plan de redéploiement d’Orrick Rambaud Martel
L’équipe parisienne de la firme Orrick est en crise depuis déjà plusieurs mois. Une vague de départs d’associés a été annoncée, parmi lesquels certaines figures de proue du bureau. Et quelques autres sont encore prévus. Comment les expliquer ? Quel plan de reconstruction ? Jean-Pierre Martel, associé fondateur du bureau, explique sa stratégie en exclusivité à la LJA.
Comment expliquez-vous cette vague de départs ?
Il est de fait que notre cabinet vient de connaître quelques départs. Certains étaient souhaités, d’autres attendus, mais je concède que quelques-uns l’étaient moins et nous ont déçus. En y regardant de plus près, seulement deux d’entre eux peuvent être qualifiés de significatifs, et ils ont des causes radicalement différentes. Nous conservons des leaders reconnus dans beaucoup de nos pratiques, et nous avons de remarquables équipes de jeunes qui assurent la qualité de notre travail et représentent notre avenir. Nous sommes une petite centaine d’avocats à Paris, dont près de 30 associés, avec un équilibre optimum que nous situons autour de 110/120 avocats en l’état du marché et de nos activités.
Est-ce à dire que vous reprenez les rênes ?
Non, et il n’en est pas question, il faut que l’avenir se construise par ceux qui le vivront. Mais je me dois de les aider à relancer la mécanique. Au-delà des ambitions personnelles de chacun, il faut tirer les leçons des évènements, notamment au niveau de la gouvernance. Car la force d’une équipe passe par l’adhésion à un projet commun, une stratégie de déploiement conduite par des leaders reconnus comme tels, tant en interne que par le marché, partageant la volonté de s’impliquer et d’être la force motrice pour l’ensemble des équipes. La gouvernance des cabinets d’avocats est une question complexe qui n’a pas de réponse unique.
J’ai toujours pensé que, dans un monde idéal, les avocats devraient se consacrer à leurs clients et la gestion devrait être déléguée à un manager dont c’est le métier, qui peut s’y consacrer sans arrière-pensée ni interférence avec des ambitions ou des préoccupations personnelles de positionnement par rapport à ses pairs et à sa pratique professionnelle. J’ai eu une expérience qui m’a laissé une très forte impression avec un cabinet londonien où ce manager était considéré à l’égal d’un associé senior et travaillait avec un comité formé de quelques associés reconnus pour représenter les forces vives du cabinet, ce comité définissant et veillant à l’application de la stratégie et prenant les décisions essentielles concernant les avocats et l’organisation de leurs activités. Un noyau dur de leaders déterminés sur un même objectif est ce qu’il y a de mieux pour entraîner l’ensemble du groupe.
Comment comptez-vous donner un nouvel élan au bureau parisien ?
D’abord, nous ne sommes pas à l’arrêt, nous avons toujours quelques très bons leaders et nous avons, je pense, les meilleures équipes jeunes que nous ayons jamais eues jusqu’ici, de grande qualité technique et très motivées, porteurs d’un bel avenir. Nous devons faire en sorte qu’ils s’approprient un projet commun. Ensuite, nous allons poursuivre nos recherches de recrutement de nouveaux associés avec des profils de haut niveau, déjà leaders dans leur pratique ou en voie de le devenir rapidement. J’ai toujours pensé que la réactivité et la qualité du travail sont les clés du succès, et pour cela nous devons rechercher les meilleurs pour compléter et renforcer notre équipe. Nous avons aussi la chance de pouvoir compter pour ce faire sur la volonté résolue d’Orrick US d’investir fortement à Paris qui est le bureau le plus important du cabinet en dehors des États-Unis, et la firme persiste dans sa confiance que la place de Paris est, et restera, essentielle dans la pratique juridique en Europe.
Vous venez de recruter Michael Bühler qui est une figure en matière d’arbitrage international. Quelle place occupera-t-il dans votre projet de renouveau ?
L’arrivée prochaine de Michael Bühler s’inscrit directement dans l’ambition que je viens de décrire, par le haut niveau de son activité et son leadership reconnu mondialement dans le domaine de l’arbitrage. Le développement d’une pratique arbitrale mondiale est une volonté d’Orrick qui n’est pas nouvelle. Laurie Craig, reconnu comme le père fondateur de l’arbitrage international, avait déjà rejoint Orrick en 2005, Charles Adams, dont nous avons repris l’équipe d’arbitrage à Genève il y a quelques années, nous a rejoint après un intermède comme ambassadeur des États-Unis à Helsinki sous la présidence du Président Obama, et nous avons toujours eu au bureau de Paris une équipe dédiée à l’arbitrage, aujourd’hui autour de Charles Kaplan. Michael Bühler sera appelé à prendre la responsabilité mondiale de la pratique arbitrage avec Charles Adams. L’arrivée de Michael Bühler témoigne de nos ambitions dans ce domaine, comme de nos ambitions de recrutement : nous voulons les meilleurs.
Quels sont vos autres projets de recrutements ?
Nous avons la volonté de nous renforcer dans plusieurs secteurs, je pense par exemple au private equity où nous n’avons pas la reconnaissance et la place que nous devrions avoir, bien que nos équipes de jeunes soient performantes. Une des forces d’Orrick est son positionnement éminent dans le domaine des nouvelles technologies et du capital-risque qui est, avec les secteurs de la finance et de l’énergie et des infrastructures, un des axes stratégiques de développement du cabinet. Avec nos équipes corporate, finance, tax, concurrence, droit social, et autres équipes spécialisées, nous avons tous les ingrédients devant nous permettre d’atteindre une meilleure reconnaissance en capital-investissement, et nous cherchons maintenant notre leader dans ce secteur pour atteindre cette reconnaissance. Nous avons quelques autres contacts en cours, et nous voulons aussi soutenir et conforter bien sûr nos activités en contentieux et corporate / M&A qui sont des piliers du cabinet. Je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant, nous savons qu’il faut du temps pour réaliser nos objectifs. Mieux vaut construire solidement que trop vite.