Face à la pandémie, la Commission européenne fait preuve de flexibilité dans l’examen des régimes d’aides d’État
« Nous allons utiliser tous les instruments à notre disposition pour que notre économie résiste à cette tempête ». Le message d’Ursula van der Leyen, présidente de la Commission européenne, est très clair : la Commission se mobilise pour soutenir les entreprises, quitte à temporairement accepter une application flexible des règles européennes en matière d’aides d’État et quant au Pacte de stabilité et de croissance. Analyse des annonces récentes par Laurent François-Martin, associé de Fidal.
Au regard de la crise sanitaire d’ampleur, les États européens ont tous manifesté leur volonté d’aider financièrement leurs entreprises nationales. Mais cette assistance pourrait être qualifiée d’aide d’État
au regard de la réglementation européenne. Comment réagit la Commission ?
Une aide d’État est une subvention, ou toute autre forme d’avantage financier, versée par une autorité publique nationale à une société, favorisant certaines entreprises ou productions en affectant la concurrence et le commerce entre États membres. Les principes de base sont inscrits dans les articles 107 à 109 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). En application de l’article 108, paragraphe 3, les aides qu’un État membre envisage d’octroyer à une entreprise en difficulté doivent, préalablement à leur mise en œuvre, faire l’objet d’une notification à la Commission européenne.
Mais la Commission a annoncé vouloir faire preuve d’une grande flexibilité et d’une souplesse inédite dans l’examen des régimes d’aides qui seront adoptés par les États membres afin de soutenir l’économie. Ainsi, dans sa communication du 13 mars 2020, elle a invité les États membres à prendre toutes mesures en faveur de l’économie afin de soutenir les secteurs les plus durement affectés par la pandémie, tels que les secteurs du tourisme, du transport ou du commerce en détail.
Dans le détail, quelles aides ne seront pas
soumises à contrôle ?
La Commission a d’ores et déjà indiqué que ne sont pas soumis au contrôle des aides d’État un certain nombre de financements d’urgence comme les mesures de subventions salariales, de suspension des paiements de l’impôt sur les sociétés, de la TVA ou des cotisations sociales, ou encore les aides directes aux consommateurs. De même, si en application du Règlement (UE) 2015/1588, les aides de minimis n’excédant pas 200 000 € sur une période de trois exercices fiscaux peuvent également être exemptées de notification, la Commissaire Vestager a indiqué le 17 mars que les entreprises affectées par l’épidémie de coronavirus seront autorisées à recevoir des subventions publiques allant jusqu’à 500 000 €.
En vertu des circonstances exceptionnelles actuelles, quelles autres aides peuvent être autorisées ?
Elles sont de deux ordres. Tout d’abord, en vertu de l’article 107 paragraphe 2b du TFUE, la Commission peut autoriser les aides destinées à remédier aux dommages survenus en raison d’évènements extraordinaires ou de circonstances exceptionnelles. La pandémie liée au Coronavirus relève de ces circonstances exceptionnelles. Rappelons néanmoins que le versement de cette catégorie d’aides ne dispense pas pour autant l’État de l’obligation de notification. La Commission la déclarera alors conforme, après avoir effectué un test de proportionnalité permettant de s’assurer que l’aide octroyée vise uniquement à compenser les dommages ou les pertes en lien direct avec la circonstance extraordinaire identifiée. La CJUE a ainsi jugé dans un arrêt du 24 avril 2004, Grèce c/Commission, que « seuls peuvent être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ».
La Commission a également précisé que les dispositions de l’article 107, paragraphe 3b, relatives aux aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre sont applicables. L’Italie les a déjà mises en place. Sont visées, les aides versées sous forme de prêts ou de garanties de prêts conformément aux lignes directrices sur les aides à la sauvegarde et la restructuration des entreprises en difficulté. J’ajoute que ces garanties peuvent exceptionnellement être accordées aux entreprises qui ne sont pas en difficulté et également à celles qui ont déjà bénéficié d’une telle mesure au cours des dix dernières années. Sont également acceptés les régimes d’aides spécifiques pour les PME permettant de couvrir leurs besoins en liquidité. Neuf de ces régimes existent déjà, en France notamment. Les États membres peuvent également accroitre le budget des programmes existants jusqu’à 20 % sans obligation de notification. Au-delà, la mesure devra être notifiée à la Commission qui examinera la mesure en procédure simplifiée.
La Commissaire Vestager a indiqué que la Commission était prête à apporter toute l’aide aux États membres
qui souhaiteraient mettre en place rapidement
ces programmes. Cette réactivité est-elle palpable ?
Absolument. En moins de 24 heures, la Commission a autorisé le 12 mars 2020 un régime d’aides notifiées par le Danemark visant à indemniser les organisateurs d’évènements annulés ou reportés du fait du coronavirus. Elle s’est engagée à examiner l’ensemble des aides qui lui seront notifiées par les autres États membres dans les mêmes délais. Elle met par ailleurs à disposition des États des modèles et une ligne téléphonique dédiée afin de garantir notamment la rapidité d’examen de la proportionnalité prévue pour les projets d’aides pris au titre de l’article 107, paragraphe 2b. ■
Ondine Delaunay