Affaire Finaréa : tout n’est peut-être pas joué
Dans six arrêts publiés mercredi 3 mars dernier, la Cour de cassation a donné gain de cause à l’administration concernant le redressement fiscal de près de 1 400 redevables de l’impôt sur la fortune (ISF), pour un montant de 25 M€. Jérôme Barré, associé du cabinet Barré & Associés, décrypte cette affaire Finaréa, considérée comme l’un des plus gros contentieux en la matière.
Dans quel contexte ont été rendus ces arrêts ?
L’affaire Finaréa, considérée parfois à tort comme le plus important redressement fiscal au titre de l’ISF, dure depuis plus de dix ans. À l’origine du litige, le refus de l’administration fiscale d’octroyer une réduction d’ISF, aux contribuables ayant investi dans des PME, au travers de 17 holdings constituées par la société Finaréa, lancée en 2008 par l’homme d’affaires et expert-comptable Christian Fleuret. Près d’une cinquantaine de PME avaient bénéficié de l’accompagnement dont Finaréa faisait la promotion. Un bon nombre de juridictions ayant déjà jugé l’affaire (tribunaux et cours d’appel) avaient donné raison à ces contribuables. Jusqu’à ce que la Cour de cassation se prononce le 3 mars, en défaveur de près de 1 400 d’entre eux, leur infligeant un redressement fiscal d’environ 25 M€. Elle a considéré que ces contribuables, clients de Finaréa, qui avaient investi la première année de la création de cette société, ont bénéficié à tort du dispositif ISF/PME créé dans le sillage de la loi Tepa du 21 août 2007. Envisagé comme la contrepartie du risque d’investissement pris par le souscripteur ou l’investisseur au service de l’économie française et du soutien d’une activité économique, ce dispositif permettait de réduire son ISF d’un montant équivalent à 75 % des investissements réalisés, dans la limite de 50 000 €, dans des PME non cotées.
Quels sont les fondements juridiques sur lesquels s’est appuyée la Cour ?
Pour bénéficier de cette réduction d’impôt, les contribuables étaient tenus d’une obligation déclarative. Comme il ne s’agissait pas, pour les particuliers, d’un investissement en direct, mais via des holdings qui s’occupaient ensuite de sélectionner les PME et de placer leur argent dedans, l’attestation devait être établie par Finaréa. La Cour de cassation a donné raison à l’administration fiscale en établissant, dans un premier temps, que si la remise de ce document constituait une formalité nécessaire à l’obtention de l’avantage fiscal, elle ne suffisait pas à démontrer que les conditions étaient réunies et ne conférait aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d’impôt à laquelle il prétendait.
La Cour de cassation a, dans un second temps, estimé que les 17 holdings constituées par la société Finaréa n’avaient pas le statut de « holding animatrice » ouvrant droit au bénéfice de la réduction ISF-PME, durant la première année de son existence. Elle retient notamment que, tant que la holding n’a pas pris de participation dans une PME, le souscripteur au capital de cette holding ne peut profiter d’une réduction d’ISF, en dépit de la mécanique d’amorçage, de démarrage ou d’expansion propre à ce type d’investissement.
Finalement, ce qui est reproché à Finaréa est d’avoir mis la charrue avant les bœufs : l’attestation a bien été remise dès la souscription par les contribuables, cependant que les conditions requises pour être qualifiée d’holding animatrice n’étaient pas encore réunies par la holding porteuse des participations. Au passage, on constate ici que le sort des contribuables investissant au travers d’une holding était nettement moins enviable et à tout le moins bien plus compliqué que celui des contribuables investissant en direct.
L’argumentation de la Cour de cassation, considérant que Finaréa a émis un peu trop tôt son attestation, alors que toutes les conditions de la holding animatrice auraient dû être remplies au moment de la souscription des contribuables, est sévère. Pour cela, il aurait notamment fallu que Finaréa souscrive au capital des sociétés alors qu’elle n’en avait pas forcément les moyens financiers. À partir de là, lorsque le certificat était émis, les contribuables auraient dû être certains que Finaréa était déjà une société animatrice. Est-ce que cela n’était pas quelque chose d’impossible ? La première chose à faire, devant la cour d’appel de renvoi, serait d’apporter la démonstration de « l’animation » lors de sa première année d’existence.
La Cour de cassation retient enfin que, si Finaréa avait les moyens de s’impliquer dans la gestion des PME, les contribuables ne démontrent pas leur mise en œuvre. Cela laisse supposer que Finaréa avait peut-être des « holdings de souscription », c’est-à-dire des holdings qu’elle n’animait pas effectivement. La qualité de holding animatrice des sociétés était-elle fondée sur des prises de participations au capital des PME, mais sans les animer ? Ou bien les holdings ont-elles mis en œuvre des moyens permettant de démontrer qu’elles se sont impliquées dans la gestion de la politique des PME ? La question de la preuve de l’effectivité de l’animation va peut-être de nouveau être posée devant la cour d’appel.
Qui sont les grands perdants dans cette affaire ?
D’un point de vue fiscal, les grands perdants de l’affaire sont les contribuables qui pensaient bénéficier d’une réduction fiscale d’un montant de 37 500 € maximum. À terme, le second perdant sera sûrement la société Finaréa. N’ayant pu se retrancher derrière son erreur auprès de l’administration fiscale, les contribuables se retourneront probablement contre elle une fois que toutes les voies de recours fiscales seront épuisées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Rappelons que cinq arrêts rendus par la Cour de cassation sur six sont renvoyés devant la cour d’appel. Il sera extrêmement intéressant de voir la suite qui sera donnée à ce contentieux. Le suspense est à son comble et espérons que Finaréa est couverte par une bonne assurance…