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Présidence française du Conseil de l’UE : quel travail pour le monde juridique ?

Par Jeanne Disset

Pour une durée de six mois, la France a pris, le 1er janvier dernier, la présidence du Conseil de l’Union européenne. Sa mission s’inscrit dans un agenda de 18 mois avec les prochains pays présidents : République Tchèque et Suède. Le trio se met d’accord sur les sujets qui doivent aboutir et avancer. Beaucoup de textes et d’orientations en perspective, autour des priorités définies par la présidence française dont la devise est « Relance, puissance, appartenance ».

Les grands chantiers juridiques que la France doit faire avancer

Pour les avocats, la présidence française du Conseil de l’UE (PFUE) est « une opportunité rare de rappeler leur attachement aux principes du droit européen et de présenter leurs propositions dans le cadre des thèmes principaux retenus par la présidence française : l’Europe qui protège, le numérique et l’environnement », introduit Laurent Pettiti, président de la délégation des Barreaux de France (DBF). À côté de l’État de droit (et les actions menées contre la Pologne et la Hongrie), le multilinguisme et la protection de l’environnement, ce sont les textes sur le numérique (Digital Service Act (DSA) et Digital Market Act (DMA)) qui bénéficieront des efforts puisque, pour eux, un accord politique est visé. Plus spécifiquement pour le droit, les conseils des ministres de la Justice déclineront certains aspects des priorités, mais en restant très pénal. Elles portent sur la lutte contre la haine et toutes les formes de discrimination, la protection de l’environnement et la numérisation de la justice. Pour les deux conseils Justice d’ores et déjà programmés (4 mars et 9/10 juin), la priorité est le dossier preuve électronique. Que ce soit avec le premier texte, le règlement relatif aux injonctions européennes et de conservation de preuves électroniques, comme avec le second, la directive relative aux représentants légaux en matière de collecte de preuve. Pour les autres sujets : un débat d’orientation pour le sujet environnement et droit pénal, une orientation générale sur l’inclusion des crimes et discours haineux dans la liste des infractions pénales, un point sur l’état d’avancement du parquet européen.

Nouveautés et dossiers de fond

La nouveauté de la présidence française porte sur l’inclusion des crimes et des discours haineux dans la liste des infractions pénales de l’UE et sur les propositions pour empêcher et combattre les formes spécifiques de violences fondées sur le genre. Une priorité récurrente : l’adhésion de l’Union à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. « Il faut compter encore un à deux ans pour qu’un texte aboutisse, texte qui satisfera la Commission et la CJUE. La France pèsera de tout son poids pour faire avancer les travaux sur cette adhésion en cours de négociation au Conseil de l’Europe, même s’il n’y aura pas de finalisation sous cette présidence », explique Laurent Pettiti. De même, s’agissant de la juridiction unifiée des brevets (JUB). Si son installation n’aura lieu qu’au deuxième semestre 2022, Paris souhaite bien profiter de sa présidence pour sécuriser et finaliser le dossier. « On attend encore une ratification, la France y travaillera. Cela reste un dossier européen très important pour le monde juridique, même si c’est plus intergouvernemental et pas le cadre du droit de l’Union », poursuit l’avocat.

Rien sur la compétitivité et le droit des affaires ?

À part la commémoration sur les 20 ans du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, qui fonctionne bien, pas grand-chose. Rien par exemple sur le code européen des affaires. Bercy travaillant sur la criminalité financière et la lutte contre le blanchiment, ce dossier sera orienté sur la supervision financière des établissements de crédits. Or la préoccupation des avocats vient de l’éventuelle supervision par une autorité externe. Mais la Commission se veut rassurante, le risque pourrait plutôt venir des débats au parlement européen. Les avocats refusent une atteinte à leur autorégulation et s’appuient auprès de Bruxelles sur les bonnes pratiques de la CARPA qui travaille d’ailleurs avec Tracfin sur ces questions. Pour les juristes et les avocats, la PFUE côté justice restera donc très pénale.