Enquête internationale sur l’approche du contentieux par les directions juridiques
Lors de sa réunion annuelle pour l’année 2022, l’Association of Corporate Counsel (ACC) a publié un nouveau rapport sur l’état du contentieux des entreprises. Mené en partenariat avec Everlaw, le rapport permet de mieux comprendre les priorités de sélection des avocats externes et les stratégies de maîtrise des coûts les plus courantes.
Le rapport baptisé The state of corporate litigation today est le résultat d’une enquête menée auprès de 202 juristes d’entreprise et professionnels des opérations juridiques, qui ont été interrogés sur l’approche de leur service en matière de litiges, leurs besoins technologiques, les critères de sélection des avocats et les principaux coûts des litiges. Il est éloquent à plus d’un titre.
Des contentieux plus nombreux, plus longs et plus chers
D’abord quant au nombre de litiges traités : près d’un tiers des répondants (31 %) ont signalé une augmentation du nombre de contentieux. Ils portent le plus fréquemment sur une question d’emploi et de travail, et de rupture de contrat. Un quart des répondants (27 %) ont signalé une augmentation des problématiques réglementaires, et 22 % ont déclaré que le nombre d’enquêtes internes a augmenté par rapport à l’année précédente. Rappelons que dans le cadre de la Paris Arbitration Week, organisée en mars dernier, la firme Baker McKenzie avait publié des statistiques allant dans le même sens : un tiers des répondants à son enquête mondiale prévoyaient une augmentation des contentieux dans l’année et plus de 80 % des sondés craignaient une enquête externe. Nul doute que les résultats auraient pu être bien plus édifiants concernant strictement les entreprises françaises. Car dans l’hexagone, la crainte des régulateurs est importante. Qu’ils soient français, ou américains, voire britanniques. L’étude de l’ACC révèle en outre que près de la moitié (46 %) des répondants déclarent que la durée moyenne d’un litige augmente. Les secteurs de l’industrie pharmaceutique et biotechnologique, de l’assurance et de la construction enregistrent sur ce point les plus fortes hausses. Les recours collectifs sont les plus longs, selon 75 % des participants qui indiquent une durée moyenne d’au moins deux ans. Cette dernière donnée n’est bien sûr pas représentative du marché français sur lequel les recours collectifs représentent une minorité des dossiers traités par les directions juridiques installées en France. Le coût moyen par affaire est désormais supérieur à 100 000 $. Et près de la moitié des services juridiques interrogés déclarent dépenser plus de 400 $ de l’heure pour des conseils externes.
Des stratégies diverses pour limiter les coûts
Une donnée semble néanmoins véritablement internationale : afin de contenir les coûts de ces litiges, les services juridiques ont pris le parti de davantage transférer le travail en interne (59 % des réponses) et tentent de mieux équilibrer le travail envoyé aux cabinets d’avocats (52 %) et aux fournisseurs de services gérés (35 %). C’est particulièrement édifiant dans les secteurs de l’énergie, de la santé et de l’assurance. Pour sélectionner leur avocat, les répondants misent sur l’expertise sectorielle ou géographique (46 %), les relations qu’ils entretiennent avec lui (27 %). Le prix arrive en troisième position, mais loin derrière (9 %). Si les directions juridiques ont vocation à davantage internaliser le traitement des contentieux, elles n’ont pas pour autant l’ambition de doubler la taille de leur service. D’autant plus que recruter en cabinet est de plus en plus difficile pour les entreprises, principalement en raison du niveau de rémunération des avocats qui devient pharaonique. « Un avocat ayant 4 à 5 ans d’expérience dans un cabinet américain va demander 140 000 € par an + 20 % de bonus », a glissé un directeur juridique lors d’une enquête menée par la LJA en mai dernier1. C’est pourquoi, les entreprises misent sur la technologie pour réduire leurs coûts.
Le recours aux nouvelles technologies pour faciliter le travail d’analyse des équipes
L’innovation technologique ou l’intelligence artificielle sont encore des voies peu utilisées par les services juridiques pour économiser de l’argent. Pourtant, 39 % des personnes interrogées déclarent vouloir utiliser les techniques d’évaluation précoce des litiges dans leur travail d’analyse des risques contentieux. De la même manière, des technologies avancées permettant de faire le tri dans la multitude de données de l’entreprise, notamment dans le cadre d’une enquête interne, sont vivement souhaitées par les services. Poussant même plus loin la réflexion, l’enquête révèle que près de la moitié des professionnels juridiques d’entreprise (47 %) estiment que l’adoption de la technologie est la principale compétence non juridique requise pour la prochaine génération de juristes. Quelque 85 % des répondants déclarent que les juristes d’entreprise doivent comprendre l’impact des nouvelles technologies sur le travail juridique et 56 % s’attendent à ce que les besoins technologiques de leur service augmentent d’ici un an. La même proportion estime d’ailleurs qu’il conviendrait de créer une collaboration plus étroite entre le département juridique et la direction des services informatiques.