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Dispositif d’alerte en entreprise : enjeux, obligations et bonnes pratiques

Par Laura Dray

Le 3 avril prochain, le Cercle d’éthique des affaires, l’AFJE et l’université Paris Dauphine-PSL organisent un événement consacré aux dispositifs d’alerte et aux enquêtes internes. Deux tables rondes réuniront des experts pour présenter les guides pratiques AFJE/CEA, conçus pour structurer ces mécanismes clés en entreprise. Carmen Briceno, directrice juridique & conformité du groupe RAJA, revient sur ces enjeux et les bonnes pratiques à adopter.

Que couvrent précisément vos guides pratiques sur
les dispositifs d’alerte et les enquêtes internes ?

Cet ouvrage propose des cas concrets, des recommandations et des bonnes pratiques pour aider les entreprises à mieux structurer leurs dispositifs et identifier les risques. Des livrets seront édités en partenariat avec l’Association française des juristes d’entreprises (AFJE) et le Cercle d’éthique des affaires (CEA). Ces guides seront également distribués lors du séminaire spécialisé qui aura lieu le 3 avril prochain à Dauphine et mis à disposition des professionnels souhaitant approfondir la question des alertes et des enquêtes en entreprise. Enfin, les guides sur les dispositifs d’alerte et les enquêtes internes seront publiés dans un hors-série du magazine JEM de l’AFJE en septembre-octobre. 

Quelles sont les étapes clés pour mettre en place un dispositif d’alerte efficace ?

Tout d’abord, il est essentiel d’identifier le périmètre du dispositif. À côté du dispositif général prévu à l’article 6 de la loi Sapin II, certaines entreprises tenues de mettre en place un dispositif anticorruption ou de devoir de vigilance doivent également proposer un système de recueil des signalements, tandis que d’autres, non soumises à une obligation légale, peuvent engager une démarche volontaire. La cartographie des risques de l’entreprise permet d’adapter le dispositif aux besoins spécifiques de l’organisation. Ensuite, vient la rédaction de la procédure d’alerte, qui doit intégrer, entre autres : les personnes qui peuvent bénéficier du statut protecteur de lanceur d’alerte, les informations pouvant être signalées, les délais de traitement des alertes et les garanties pour les lanceurs d’alerte (confidentialité, protection des données personnelles, protection contre des représailles). Il est aussi crucial de définir le rôle des différents acteurs, notamment celui de la personne ou du comité chargé de recevoir et de traiter les alertes. Enfin, la communication et la diffusion du dispositif doivent être assurées auprès des instances représentatives du personnel et de l’ensemble des collaborateurs. Une gouvernance solide et fiable est indispensable pour générer de la confiance et pour garantir l’efficacité du dispositif.

Quelle est l’importance de former les employés sur
le dispositif d’alerte ?

Former les employés est essentiel pour plusieurs raisons. Tout d’abord pour prévenir les risques. Un dispositif bien utilisé permet de traiter rapidement les signalements et de prévenir et de corriger les éventuels dysfonctionnements internes. Puis, pour la protection de l’entreprise : un bon dispositif réduit les risques réputationnels. Un lanceur d’alerte mal considéré pourrait chercher à lancer une alerte externe. Enfin la formation permet de créer une culture d’éthique et de confiance : sensibiliser les salariés leur permet de mieux comprendre leurs droits et obligations. Les formations peuvent prendre plusieurs formes : sessions en présentiel, e-learning, affichage sur les écrans internes, campagnes de sensibilisation. Il est également essentiel d’expliquer les garanties offertes aux lanceurs d’alerte pour éviter toute crainte de représailles.

Quelles sont les principales obligations légales en matière
de dispositifs d’alerte et d’enquêtes internes ?

En matière d’alerte, le dispositif général est celui prévu dans la loi Sapin II modifiée qui transpose en droit français la directive européenne pour la protection des lanceurs d’alertes (directive « whistleblowing »), applicable aux entreprises de plus de 50 salariés. S’y ajoute le dispositif prévu par la loi sur le devoir de vigilance (article L225-102-4 du code de commerce), ou encore des dispositifs spécifiques applicables à la fonction publique. Les entreprises doivent s’assurer que leur dispositif est conforme à ces exigences et adapté à leur structure. Les enquêtes internes pour sa part, n’ont pas de cadre légal spécifique. Il convient de se référer au droit commun, aux guides et recommandations des autorités et à la jurisprudence. 

Pouvez-vous partager des exemples concrets où
les dispositifs d’alerte ont permis de détecter et de traiter efficacement des problèmes ?

En France, les alertes concernent majoritairement des cas de discrimination et de harcèlement. Les employeurs ont une obligation renforcée en matière de sécurité, et un dispositif d’alerte bien conçu permet d’agir rapidement. Le dispositif d’alerte interne a été également considéré comme un moyen efficace pour la détection des fraudes. 

Quelles sont les nouvelles tendances ou technologies émergentes qui pourraient améliorer ces dispositifs ?

L’essor des technologies numériques ouvre de nouvelles possibilités, notamment : par l’utilisation de plateformes sécurisées pour centraliser les signalements et assurer leur traitement confidentiel dans différentes langues. Les outils d’IA permettent quant à eux de faire de traductions automatiques des alertes et faire du reporting, enfin, les chats sécurisés pourraient faciliter les échanges avec les lanceurs d’alerte tout en garantissant la confidentialité. Toutefois, ces innovations doivent être déployées dans un cadre strict pour respecter la protection des données et assurer la sécurité des informations sensibles.