Traitement judiciaire des infractions économiques et financières : un contentieux singulier
La Chancellerie vient de publier un bulletin d’information statistique consacré au traitement judiciaire des infractions économiques et financières. Le document, riche en enseignements, révèle que ce contentieux complexe se caractérise notamment par un taux important d’auteurs d’infractions multiples.
L’étude statistique du ministère de la Justice porte sur deux années : 2016 et 2017. Il est d’emblée précisé que les statistiques présentées ne concernent pas les infractions comme l’escroquerie, l’abus de confiance ou les atteintes au devoir de probité, qui relèvent de la délinquance de masse, ni les infractions liées à la législation du travail, qui feront l’objet d’une étude particulière, à paraître. La délinquance économique et financière en chiffres concerne en valeur absolue, 135 500 auteurs, impliquées dans 104 700 affaires traitées par les parquets (classement sans suite ou réponse pénale) sur tout le territoire pour ces deux années. En pourcentage, cela représente 3 % des 4,2 millions d’auteurs d’infractions traitées par le parquet sur cette même période. Les infractions étudiées se répartissent en infractions financières, qui en représentent la majorité avec 7 infractions sur 10 dans cette catégorie. Parmi celles-ci on distingue principalement les infractions à la législation sur les sociétés (31 % du total), celles liées aux moyens de paiement (30 %) et le contentieux fiscal et douanier (7 %). Les infractions liées aux établissements de crédit, à la bourse et à l’épargne ne représentent qu’une part résiduelle de ces infractions financières. Les infractions économiques et commerciales représentent un peu moins d’un tiers des cas étudiés (3/10), on classe dans cette catégorie les atteintes à la réglementation professionnelle industrielle, commerciale et agricole (16 %), les infractions à la consommation (10 %) et contrefaçon et les infractions à la réglementation des prix (respectivement 3 % et 2 %).
Une délinquance entrepreneuriale
Il est intéressant de relever que si, sur l’ensemble du contentieux, neuf affaires sur 10 sont transmises aux Parquets par les services de police et de gendarmerie, tel n’est pas le cas pour les infractions économiques et financières, signalées dans 25 % des cas par les tribunaux de commerce. Police et gendarmerie signalent un peu moins de la moitié des infractions (47 %), les victimes et les professions juridiques signalent également une infraction sur cinq, tandis que les services des douanes en révèlent 7 % sur la période considérée. On peut également relever qu’en la matière, les affaires avec plusieurs auteurs sont deux fois plus fréquentes que dans l’ensemble des affaires. Les personnes morales représentent 27 % des auteurs d’infractions dans le domaine économique et financier contre 4 % en moyenne dans l’ensemble des affaires. Les infractions qui impliquent des personnes morales sont liées à la violation de la législation sur les sociétés pour les 2/3 et à la violation du droit de la consommation pour 18 %. Concernant les personnes physiques en cause, on observe que leur âge moyen est supérieur à l’âge de celles en cause pour l’ensemble des infractions : 38,5 ans contre 32 ans. Et si 50 % des personnes majeures en cause ont entre 18 et 32 ans en général, elles ne sont que 37 % dans cette tranche d’âge pour les infractions étudiées.
Les personnes physiques désavantagées ?
Plus complexes, les infractions économiques et financières sont transmises à un juge d’instruction dans 21 % des cas contre 8 % pour l’ensemble des infractions. La note statistique pointe également la différence de réponse pénale selon le statut de l’auteur, selon qu’il s’agit d’une personne physique ou morale. Les personnes morales se voient ainsi proposer des procédures dites alternatives dans plus de 9 cas sur 10, quand la proportion chute à 7 cas sur 10 pour les personnes physiques. Concernant les poursuites, les chiffres sont également à l’avantage des auteurs personnes morales puisque seulement 7 % d’entre elles font l’objet de poursuites contre 30 % des personnes physiques. Le contentieux se caractérise également par une forte proportion d’infractions multiples, car dans ce domaine, le nombre moyen d’infractions par auteur grimpe à 3,9 contre 1,9 pour le tout venant des infractions au cours de la même période. L’étude des peines prononcées révèle que pour les personnes physiques uniquement, une peine d’emprisonnement a été prononcé dans 74 % des cas parmi les affaires ou 20 383 auteurs ont été déclarés coupables d’infractions. La moitié des personnes ainsi condamnées (environ 15 000) ont bénéficié d’un sursis total. Les peines les plus lourdes ont été prononcées dans le domaine fiscal et douanier. Concernant les amendes, le montant moyen des amendes fermes prononcées, qui est de 41 600 est trompeur, car quelques amendes de montant très élevé faussent le calcul. On s’attachera davantage au montant médian des amendes, qui est de 1000 € pour l’ensemble de la catégorie étudiée mais bondit à 3 000-5 000 pour les infractions fiscales, douanières et les violations du droit des sociétés.
Notes :
Infostat Justice, mai 2019, n° 169