Le DoJ américain consolide ses principes d’évaluation des programmes de conformité
Le département de la Justice américain (DoJ) a publié le 25 avril dernier, un guide à destination des procureurs et relatif à l’évaluation des politiques de conformités mises en place en interne, qui doivent les orienter dans l’évaluation des sanctions à requérir à l’encontre des entreprises coupables d’infractions. Résumé.
Ce n’est pas vraiment une refonte, mais plutôt, selon les observateurs, une consolidation des principes déjà fixés dans un précédent document, intitulé « principes de poursuite fédéraux des organisations commerciale », publié en mai 2018 (voir LJA n° 1352). Ce nouveau document détaille spécifiquement les éléments que les procureurs doivent prendre en compte lors d’une enquête menée contre une société commerciale qui aurait commis des infractions. Ce guide permettra aux autorités de poursuite d’évaluer l’efficacité des programmes de conformité mis en place dans l’entreprise au moment de la commission de l’infraction qui a donné lieu à l’enquête et permettra ainsi, selon le département, de déterminer quelle sera la forme de poursuites la plus appropriée à l’encontre de l’entreprise qui a commis l’infraction, le montant des sanctions financières qu’il convient de requérir et enfin quelles mesures non-financières seront imposées aux entreprises faisant l’objet des poursuites afin de remédier à l’infraction ainsi poursuivie et prévenir la récidive. Le guide insiste sur le fait que cette évaluation des programmes de conformité doit se faire in concreto de manière individualisée et en fonction des risques auxquels est soumise l’entreprise et doit être réalisée au moment où l’infraction poursuivie s’est produite. Il propose une grille de lecture, incitant le procureur à se poser 3 questions « fondamentales » :
■ Le programme de compliance en place est-il adapté ?
■ Le programme de compliance est-il mis en œuvre sérieusement et de bonne foi ?
■ Le programme de compliance est-il concrètement efficace ?
Il est précisé que ces 3 questions et leurs développements ne constituent en aucun cas une « check list », applicable à toutes les situations. En fonction des entreprises en cause, certains éléments, qui n’apparaissent pas pertinents au cas d’espèce, pourront ainsi être écartés ou adaptés. L’enquêteur devra notamment, pour jauger de l’adaptation du programme interne, examiner sur quelles bases il a été mis en place (quelle évaluation des risques), de quelle manière la communication sur ce programme a été faite auprès du personnel (avec le cas échéant la mise en place de formations) et point très important, si des dispositifs de signalement de violation de la politique interne de conformité garantissant l’anonymat ou la confidentialité ont été mis à disposition des employés, afin que ces derniers puissent être à l’abri d’éventuelles mesures de rétorsion. Le procureur vérifiera également, bien sûr, la qualité du processus d’enquête interne mis en place le cas échéant et le volet de la politique de compliance applicable à des tiers (partenaires commerciaux, fonctionnaires, etc.). Un paragraphe particulier est consacré à l’intégration des processus de conformité à l’occasion d’une opération de fusion-acquisition. L’efficacité de la mise en œuvre du programme sera notamment évaluée en fonction du degré d’implication du personnel encadrant et des dirigeants, ainsi que des moyens, financiers et humains, mis en œuvre pour faire respecter le programme. Le dispositif d’incitations et de sanctions éventuellement mis en place sera dans ce cadre, examiné. Concernant le troisième volet, c’est à dire le fonctionnement concret des politiques de conformité mis en place dans l’entreprise, les procureurs seront incités à observer si ces programmes font l’objet d’évaluations régulières et sont amenés à évoluer et à s’améliorer au fur et à mesure de la vie de l’entreprise. Dans ce cadre il pourra être intéressant de se demander si les réponses apportées lors d’une enquête interne ont été exploitées et ont amené à des changements dans la conduite de la politique de conformité, et si des tests et des exercices ont lieu.
Ce guide à l’usage des procureurs pourra être utilisé, à titre préventif, comme canevas par les entreprises qui souhaitent mettre en place une politique de conformité interne adaptée aux enjeux internationaux. Il permet ainsi, lors de l’élaboration et de la révision de leurs programmes de conformité, d’avoir des indications sur les points qui feront l’objet de l’attention des enquêteurs. Selon les observateurs, la feuille de route ainsi élaborée par le ministère serait impérative pour les entreprises qui travaillent dans des domaines hautement réglementés comme la santé, l’énergie et les services financiers. Le fond du propos paraît assez clair, indiquant en filigrane aux procureurs qu’il s’agit, en réalité, de vérifier si l’entreprise a véritablement intégré une culture de la conformité, effectivement mise en œuvre.