« Le congé parental de 18 semaines pour tous permet aussi de niveler les inégalités au niveau du recrutement »
C’est l’initiative du cabinet Foley Hoag d’accorder à tous les avocats un congé parental de 18 semaines en cas de naissance ou d’adoption qui a remporté les faveurs des internautes qui ont voté pour le sondage sur les meilleures initiatives des cabinets. Elle a obtenu une note moyenne de 7,73 sur 10 et près de la moitié des participants au sondage ont accordé 10 étoiles à cette action. Frédéric Scanvic, managing partner du cabinet parisien, nous en parle.
Retrouvez l'intégralité des résultats du sondage été 2019 : Quelle est la meilleure initiative organisée par un cabinet d’avocats ?
Comment cette avancée a vu le jour ?
C’est une politique de la firme. Les états-Unis nous ont interrogés sur la possibilité de mettre en place ce système en France, où nous avons un petit bureau. Nous sommes 18, dont 8 collaborateurs, parmi lesquels les femmes sont majoritaires. Finalement, cela ne change pas grand-chose pour les mères, qui bénéficiaient déjà à Paris de 16 semaines de congé maternité et qui bénéficient ainsi de 2 semaines supplémentaires. Le changement est en revanche très important pour les conjoints qui passent à 18 semaines, alors qu’ils ne pouvaient prendre, au maximum, que 4 semaines auparavant. Nous avons répondu que c’était possible et souhaitable. Au sein du bureau parisien, nous avons aujourd’hui un counsel et deux collaborateurs masculins.
Avez-vous prévu des garanties pour assurer l’effectivité de ce congé ?
Pour les mères, c’est plus simple, car le congé est pris, sauf rares exceptions, consécutivement avant et après l’accouchement et il n’est ni possible ni opportun que cela change. Pour les conjoints, il a été prévu de cadrer, en imposant la prise du congé dans l’année qui suit la naissance ou l’adoption. Les modalités de prise de ce congé sont définies avec l’associé référent, au cours d’une discussion sur les besoins du cabinet. C’est une obligation que nous nous créons. Un process a été mis en place au niveau de la firme. Nous nous inscrivons donc également dans ce procédé. La firme a même prévu un remplacement temporaire du collaborateur en congé parental en cas de besoin.
Les collaborateurs en congé sont rémunérés comme s’ils venaient travailler ?
Absolument. Et entièrement même si logiquement les collaborateurs remboursent au cabinet ce qu’ils perçoivent des organismes sociaux puisque nous assumons 100 % de la rémunération.
Que répondez-vous aux commentaires de ceux qui estiment que les mères devraient bénéficier de davantage de congés et qu’une égalité stricte n’est pas équitable ?
Il est vrai que pour les mères françaises, le bénéfice n’est pas aussi spectaculaire que pour les mères américaines, car en France, du moins au barreau de Paris, les mères bénéficiaient déjà d’un avantage important. Aux États-Unis, 18 semaines de congé, c’est bien au-delà de ce qui se pratique. Cela explique peut-être une certaine forme de « déception » des mères françaises. Mais la volonté d’égalité est réelle dans la mise en place de cette mesure et elle va bien au-delà du fait d’octroyer une période pour l’accueil de l’enfant, car la différence entre le congé accordé à la mère et au père peut créer une inégalité au niveau des recrutements. En théorie, la mesure est de nature à niveler cette inégalité, car que je recrute un jeune homme ou une jeune femme, je sais qu’ils auront tous les deux 18 semaines de congé parental. L’esprit est le même pour ce qui concerne l’évolution de carrière, puisque la prise du congé n’aura aucune conséquence en termes de développement de carrière ou d’augmentation.
Avez-vous déjà été eu le cas d’un congé parental depuis la mise en place de cette mesure ?
Nous avons le cas d’une collaboratrice, qui a donné naissance à un enfant avant la mise en place de la nouvelle politique. Mais nous allons évidemment la faire bénéficier des 18 semaines de congé.
« Cette mesure envoie un signal fort en faveur de l'égalité hommes/femmes »
Marion Couffignal et Alice de Larminat, respectivement présidente et référente de la commission égalité de l’UJA (Union des jeunes avocats) de Paris, saluent la mesure, qui est selon elles « un signal fort, un bon message en faveur de l'égalité hommes/femmes et de la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. » Elles rappellent cependant que tous les cabinets n’ont pas les moyens financiers de mettre en place de telles mesures et appellent l’Ordre à renégocier des contrats d’assurance collective couvrant la parentalité, avec le versement d’indemnités journalières plus importantes et l’allongement de la durée de couverture notamment pour les pères et les conjoints.