L’AMF se projette sur l’après-Brexit
L’AMF avait choisi la période des ponts de mai pour présenter son rapport annuel 2018 à la presse. Un rapport qui a une connotation particulière pour Robert Ophèle, puisqu’il fait état de sa première année complète à la présidence de l’institution. Il est également l’occasion pour lui de réaffirmer son fort positionnement européen, notamment dans le contexte du Brexit.
L’année 2018 s’est caractérisée par trois thèmes majeurs : l’Europe et le Brexit, la mise en place d’un cadre légal pour les ICO et la finance durable pour laquelle l’autorité française souhaite s’engager afin de faire progresser les bonnes pratiques et assurer le financement de la transition énergétique. Le régulateur a dévoilé sa feuille de route en matière de finance durable à l’automne dernier. Ses priorités sont axées autour de l’accompagnement des acteurs et de l’innovation, la participation aux travaux européens et internationaux, la supervision et la pédagogie envers les investisseurs. En 2019, l’AMF publiera d’ailleurs son troisième rapport sur l’investissement socialement responsable dans la gestion collective. à cet égard, avec la loi PACTE, ses missions se voient étendues : elle doit désormais veiller à la qualité de l’information fournie par les sociétés de gestion sur leur stratégie en matière de finance durable. Autre point d’attention : l’accompagnement de l’innovation. Après une année 2017 de rencontres des porteurs de projets et d’étude des levées de fonds via émission de jetons, l’AMF a remis ses conclusions en février 2018 sur le cadre règlementaire approprié pour ces opérations. Elles ont été largement reprises dans la loi PACTE qui dote l’autorité de nouveaux outils pour protéger les investisseurs : le démarchage sera ainsi interdit pour toute émission de jetons et à tout prestataire n’ayant pas reçu le visa ou l’agrément de l’autorité. L’AMF pourra également demander le blocage de l’accès aux sites internet frauduleux proposant des services sur actifs numériques.
Des relations européennes ankylosées
Par-delà la présentation des actions réalisées et à venir au niveau national, le président a souhaité établir le bilan des relations entre les pays européens. Rappelons que l’AMF a toujours soutenu une réforme ambitieuse des autorités européennes de supervision, dont l’ESMA, permettant une supervision plus homogène et plus efficace. « Comme vous le savez, l’AMF est résolument en faveur d’un corpus de règles communes et d’une convergence forte de la supervision dans l’Union européenne ; ce sont là des conditions nécessaires à l’émergence d’une réelle union des marchés de capitaux », a-t-il indiqué. Et de regretter des progrès « bien maigres dans la gestion interne de l’Union, voire dans la construction d’instruments financiers européens ». Les pouvoirs de supervision directe de l’ESMA permettant d’assurer une convergence entre autorités nationales restent selon lui « peu significatifs ». Il poursuit : « Quant à la gouvernance de l’ESMA elle n’est modifiée qu’à la marge, et laisse donc la part belle à la confrontation des intérêts nationaux. On peut même considérer qu’elle sera complexifiée avec l’introduction en son sein (par EMIR 2.2) d’un Comité de surveillance des chambres de compensation doté de trois membres permanents ». Ses critiques deviennent acerbes lorsqu’il vise les « nouveaux produits à dimension européenne » : la titrisation ne se développe pas, le nouveau régime des covered bonds comporte encore plusieurs options nationales, le PEPP ne répond pas à une demande significative, etc. « Il faut être clair, annonce le spécialiste de la régulation, ce bilan décevant est imputable au Conseil ; les propositions de la Commission ont souvent été soutenues par le Parlement mais régulièrement édulcorées par la majorité des États membres au Conseil qui souhaitent garder le maximum de marges de manœuvre au niveau national ».
La recherche d’un rôle central dans la régulation européenne
Alors que le FCA prépare sa sortie de l’Union en privilégiant une culture de la Common Law, jugée plus favorable au développement des marchés financiers, le président du régulateur français souhaite « renforcer la nécessité d’être ambitieux pour l’Union au cours de la future mandature ». Et l’on comprend de son discours que l’AMF voudrait jouer un rôle central dans la régulation européenne. Rappelons en effet qu’en juillet 2017, devant les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat, celui qui était alors sous-gouverneur de la Banque de France estimait que la place du régulateur français au sein de l’Esma, devait « être très importante, et peut-être même prépondérante après le départ de la FCA, le régulateur britannique ».
Pour l’AMF, la prochaine mandature européenne devra être l’occasion de formuler des propositions concrètes et réalistes pour favoriser le développement des marchés de capitaux de l’Union à 27. Son président annonce d’ailleurs être en train de finaliser des propositions devant être traitées au niveau européen et qui s’orienteraient autour de quatre thèmes : la mise en place d’une stratégie digitale pour les services financiers, la concrétisation de l’ambition en matière de finance durable, la revisite de l’architecture des textes sur la gestion d’actifs et une meilleure efficacité de l’information des épargnants.