La Cour de cassation suggère de nouvelles réformes
La Haute juridiction a rendu public, le 1er octobre, son habituel rapport annuel d’activité. Elle voit le volume des affaires enregistrées subir une forte baisse, de l’ordre de 20 %. Comme à son habitude, elle dresse également une série de suggestions de réforme à la suite de difficultés juridiques.
Le 1er octobre, la Cour de cassation a rendu son rapport annuel d’activité très détaillé portant sur l’année 2018. Globalement, le volume des affaires enregistrées est en forte baisse. L’année dernière, 24 741 affaires ont été enregistrées, soit une chute de 18,5 % par rapport à 2017. Le contentieux civil est bien plus touché (- 23,7 %) que le contentieux pénal (- 2,8 %). La Cour de cassation indique que « cette baisse s’explique notamment par le fait que l’année 2017 avait connu l’enregistrement d’une très forte série de 1 817 pourvois connexes, qui ne s’est pas reproduit en 2018 ». Après dix ans de baisse, la part de l’activité pénale augmente de 4,7 points en 2018 pour atteindre 29,4 % des pourvois jugés. La matière pénale est particulièrement importante sur les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), augmentant de près d’un tiers (161 QPC en 2018 contre 127 en 2017). Mais globalement, le nombre de décisions rendues sur QPC continue de baisser, pour la troisième année consécutive : 197 en 2018, contre 257 l’année précédente.
Après une hausse assez spectaculaire des pourvois jugés en 2017 (2 123 pourvois en 2017 contre 1 142 en 2016), la chambre commerciale revient à son niveau moyen en 2018 (1 730). Dans 40 % des cas, elle a rendu un arrêt de rejet non spécialement motivé. La cassation représente 29 % des arrêts rendus par cette chambre. Elle se distingue surtout par la durée moyenne de traitement des pourvois qui a été de 579 jours, en 2018. C’est plus que toutes les autres chambres. Une différence qui peut s’expliquer par la technicité particulière des matières traitées.
Des suggestions de réforme
Comme chaque année, le rapport de la Cour de cassation contient des suggestions de réforme, formulées par le premier président et le procureur général à la suite de difficultés juridiques constatées à l’occasion d’un pourvoi, une possibilité prévue par l’article R. 431-10 du code de l’organisation judiciaire. Ne seront ici évoquées que les nouvelles suggestions.
L’article L. 312-6 du code monétaire et financier permet au Fonds de garantie des dépôts et de résolution d’agir en responsabilité à l’encontre des dirigeants et des actionnaires d’un établissement crédit pour obtenir le remboursement de tout ou partie des sommes qu’il a versées au titre de la garantie des dépôts. La Cour de cassation a noté que « le législateur a omis de préciser les modalités procédurales de l’exercice de cette action ». Plus précisément, la Haute juridiction souhaiterait l’institution de règles spécifiques de prescription sur cette action. Dans un arrêt rendu le 9 janvier, l’application du délai prévu à l’article L. 225-254 du code de commerce a provoqué un paradoxe : l’action en responsabilité du Fonds était impossible alors même qu’il n’avait pas encore versé les sommes à un établissement.
Une autre modification en matière commerciale concerne la publicité du crédit-bail mobilier. La Cour de cassation note que « deux affaires récentes ont illustré les difficultés résultant de la multiplicité des registres d’inscription, notamment lorsque le bien fait l’objet d’une sous-location ». Elle propose de modifier l’article R. 313-4 du code monétaire et financier pour prévoir que « l’entreprise de crédit-bail demande la publication au registre national ouvert à cet effet, ainsi que l’insertion d’un avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ». Pour la Cour, une recentralisation de la publicité du crédit-bail « correspond à la volonté du gouvernement de simplifier les démarches des entreprises et de faciliter l’accès aux informations les concernant ».
Améliorer l’efficacité de la communication électronique est un souhait de la Cour de cassation, partagé entre la chambre commerciale et la deuxième chambre civile. La Cour suggère à ce sujet une modification de la procédure de recours contre les décisions du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle en matière de délivrance, rejet ou maintien des titres de propriété industrielle, prévus aux articles R. 411-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Elle souhaite étendre la possibilité d’utiliser la communication électronique en la matière.
Il en est de même s’agissant de la transmission électronique des dossiers de procédure civile. Un décret du 28 décembre 2005 avait inséré un article 729-1 au code de procédure civile permettant au greffe d’ouvrir les dossiers sur support électronique, notamment en matière de procédures collectives. La Cour relève qu’en pratique, un dossier matériel est toujours constitué et que, lorsqu’elle en demande la communication sur le fondement de l’article 729 du code de procédure civile, il apparaît que « fréquemment les dossiers matériels ne contiennent plus l’ensemble des données intéressant la procédure ». La Cour de cassation demande une réforme de l’article 729-1 du code de procédure civile afin de permettre non seulement la conservation du dossier, mais également l’accès par la juridiction. Les magistrats relèvent toutefois que cela « ne pourra trouver d’application concrète qu’avec une évolution des applications existantes », autrement dit, avec une évolution des moyens.