ICO, en avant marche !
Paris ne pèse pour l’instant que 89 millions de dollars sur un chiffre mondial de levée de fonds via des ICO évalué à 22,2 milliards. Mais tout pourrait changer avec la loi PACTE.
Et si Paris devenait une place de référence en matière d’ICO en Europe ? C’est en tout cas le pari que fait le ministre de l’économie Bruno Le Maire en décidant de doter la France de la réglementation sans doute la plus complète au monde en matière d’ICO, dans le cadre du projet de loi PACTE. Pour sécuriser ces opérations sans pour autant effrayer les émetteurs, la place de Paris a choisi une solution inédite, la réglementation optionnelle. Il s’agit en l’espèce de proposer aux émetteurs un visa non obligatoire (article 26 du projet de loi PACTE). Ainsi, la réglementation n’est plus présentée comme une contrainte mais une sorte de label, presque un argument marketing. à partir du moment où l’émetteur fait le choix de demander ce visa, il entre dans un processus contraignant. Il est alors astreint à un certain nombre d’obligations d’informations et de transparence adaptées des règles de levées de fonds traditionnelles. Il doit également se soumettre à la réglementation anti-blanchiment. En contrepartie, il a droit à l’ouverture d’un compte bancaire et sera inscrit sur une liste blanche. L’article 26 bis quant à lui organise le marché secondaire, c’est-à-dire celui où il est possible d’acheter et vendre des jetons (ou tokens). « Dans l’ensemble, le cadre réglementaire proposé est plutôt positif. Si le caractère optionnel a fait débat il a clairement le mérite de l’attractivité, analyse Emmanuel de Fournoux, directeur des activités de marché à l’Association française des marchés financiers (AMAFI).
Quant à l’article 26 bis sur le marché secondaire, il est conçu de manière assez proche de la réglementation des marchés traditionnels. Des acteurs souhaitent venir à Paris créer des plateformes de négociation d’actifs numériques, avec le dispositif de la loi PACTE, nous sommes prêts ». Problème, il semble que le projet, en cours d’examen parlementaire, bloque au Sénat. Les banques françaises en effet sont hostiles à l’idée d’être obligées d’ouvrir un compte bancaire aux émetteurs de crypto-actifs. « Elles expliquent que l’origine des fonds n’étant pas vérifiable, elles ne pourront pas exercer les contrôles Tracfin. Sauf que les entreprises qui solliciteront un visa l’obtiendront à condition justement que la liste des souscripteurs soit transparente, explique Serge Yablonsky, co-président du groupe de travail audit informatique de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris. Le droit à un compte bancaire est capital parce qu’une entreprise peut être millionnaire en crypto-actifs, en pratique, si elle ne peut pas régler ses factures et payer ses salariés elle se retrouvera en état de liquidation ».
Un dispositif fiscal très attendu
Ce cadre réglementaire est complété par un règlement de l’Autorité des normes comptables qui décrit la manière de comptabiliser ces opérations et par un dispositif fiscal qui était très attendu. Il prévoit l’assujettissement à la flat tax de 30 % pour les investisseurs, c’est plus que l’Allemagne (25 %) ou le Royaume-Uni (28 %). « Dans le contexte fiscal français, c’est une vraie bonne nouvelle. Surtout si l’on considère que la France est la première nation à poser le principe qu’on ne taxe pas les échanges en crypto-monnaies mais uniquement le moment où elles sont converties en monnaie » souligne Serge Yablonsky. Un seul regret, la disposition n’est pas rétroactive, de sorte que le taux d’imposition sur l’année 2018 risque d’atteindre jusqu’à 62,5 %. Il reste aussi une grosse incertitude sur la fiscalité des émetteurs. « Bercy n’a pas encore précisé si l’émission de jetons était considérée comme du chiffre d’affaires dès la souscription et donc imposée à ce moment-là, ou si on attendait le moment où les jetons sont convertis en services quelques années plus tard, quand l’activité de l’entreprise a démarré. C’est le point réglementaire le plus important aujourd’hui car il est déterminant dans le conseil que nous délivrons aux entreprises de réaliser leur ICO en France ou ailleurs ».
Les crypto-actifs ne sont qu’une déclinaison de la technologie blockchain, laquelle a des applications bien plus vastes. Petit à petit, la réglementation française s’ouvre à cette nouvelle technologie. En 2016 une ordonnance a autorisé l’inscription des minibons sur une technologie blockchain. L’année suivante, une autre ordonnance a étendu cette possibilité aux titres non cotés. Un décret du 24 décembre 2018 a rendu cette possibilité opérationnelle. Selon les acteurs financiers, cela signifie que désormais les titres de sociétés non cotés pourront s’échanger de manière sécurisée hors du système bancaire traditionnel. Ils espèrent que cette désintermédiation va accroitre la liquidité de ces titres en réduisant les coûts et en accélérant les transactions. Et ce n’est que le début des bouleversements réglementaires. Le rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur les monnaies virtuelles piloté par le député LREM Pierre Person émet 27 propositions destinées à aller encore plus loin. Il préconise par exemple d’attirer les centres de minage en crypto-actifs à Paris via l’exonération de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), d’instituer un droit au compte bancaire effectif pour toutes les entreprises de la blockchain y compris celles qui n’ont pas de visa AMF, ou encore d’élever l’abattement annuel sur opérations de cessions en crypto-actifs de 305 euros à 3 000 euros. à suivre donc.Olivia Dufour