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BDO : le pari de l’interprofessionnalité d’exercice

Par Olivia Dufour
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1394

Sur fond de libéralisation de l’exercice du métier de commissaire aux comptes, les grands réseaux internationaux développent une interprofessionnalité renforcée entre professionnels comptables et avocats.

Un vent de liberté souffle sur la réglementation des professions de conseil depuis quelques années, pour le plus grand bonheur des réseaux internationaux d’audit et de conseil. Jusqu’à très récemment, la réglementation française les empêchait de créer de vraies structures pluridisciplinaires conformes à leur business model en exigeant que chaque profession soit exercée dans une structure juridique indépendante. Ces verrous sont en train de sauter les uns après les autres. Dernière source d’évolution en date, la loi PACTE adoptée le 11 avril dernier. Celle-ci apporte deux innovations. La première est de nature déontologique. Les articles 21 et 23 (anciennement 9 Bis A et C dans le projet) lèvent un certain nombre d’interdictions qui limitaient le type de mission autorisées aux auditeurs. Qu’ils contrôlent ou non des entités d’intérêt public (sociétés cotées, banques assurances…) tous étaient soumis à une liste de 11 interdictions européennes auxquelles s’ajoutaient 5 interdictions supplémentaires imposées par la France. La loi PACTE fait sauter pour les EIP les 5 interdictions supplémentaires et les 16 pour les non EIP. Les professionnels restent tenus par les grands principes que sont l’interdiction de l’auto-révision, de l’immixtion dans la gestion ou encore de la perte d’indépendance, mais ils sont désormais seuls juges de ce qu’ils peuvent faire ou pas pour respecter ces principes. Et les voici donc autorisés à proposer des prestations juridiques à leurs clients sans même que celles-ci soient les accessoires d’une mission principale de contrôle légal des comptes. La deuxième innovation, contenue à l’article 26 permet enfin aux commissaires aux comptes d’exercer dans le cadre de sociétés pluri-professionnelles d’exercice (SPE) avec des professions juridiques, conseils en propriété industrielle et experts-comptables.

Gommer les frontières entre les métiers

Chez BDO, la pluri-professionnalité d’exercice est déjà une réalité sur une activité très spécialisée et pourrait le devenir pour toute une branche. « Nous avions commencé de développer une activité de gestion des risques, lorsque la Cour de cassation a décidé que c’était une activité juridique, nous avons donc monté une SPE avec des avocats pour être conforme à cette interprétation de la loi » explique Rolland Nino, directeur Général de BDO France. Comme d’autres grands réseaux internationaux, dont KPMG qui a défrayé la chronique en janvier en annonçant qu’il venait de créer sa propre firme d’avocats, BDO a décidé de miser sur le développement du conseil juridique et fiscal. « Dans les grands réseaux nous avons besoin d’avoir des avocats à nos côtés car il faut traiter les questions juridiques des filiales françaises de groupes étrangers, explique Rolland Nino. L’objectif à terme consiste à réaliser dans le conseil juridique et fiscal 20 % du chiffre total d’activité ». Le cabinet avait dans un premier temps mis en place un partenariat informel avec un cabinet d’avocats. Il n’y avait aucun lien capitalistique entre les deux. Mais l’expérience n’a pas été concluante. Alors quand les conditions de la SPFPL ont été assouplies, le réseau a décidé de saisir l’opportunité pour créer un cabinet dans le cadre d’un modèle d’interprofessionnalité capitalistique. C’est ainsi qu’ont été enregistrés le 1er octobre 2018, les statuts d’une SPFPL détenue à 95 % par BDO France et 5 % par BDO avocats, qui elle-même détient BDO avocats à 49 %, contre 51 % entre les mains des avocats de la structure. La SPFPL est également la forme qu’a choisi KPMG. « Nous comptons actuellement 20 avocats dont 5 associés dans les matières classiques que sont la fiscalité des entreprises, la fiscalité internationale-Prix de transfert, TVA-Douanes, les fiscalités des expatriés/dirigeants, et droit des sociétés » explique Sabine Sardou. Cette avocate a exercé pendant plus de 20 ans chez plusieurs Big Four avant de diriger la branche avocats de BDO. « D’ici la clôture de l’exercice, le 30  septembre prochain, nous ambitionnons de tripler les effectifs - soit 60 avocats-  et le chiffre d’affaires pour le porter à 10 millions d’euros (contre 3 millions à effectifs constants), confie Rolland Nino. Cela suppose des opérations de croissance externe notamment en région. L’idée est de proposer aux cabinets d’avocats qui travaillent déjà avec BDO d’intégrer BDO avocats pour étoffer les équipes dans les matières déjà pratiquées mais aussi pour en développer de nouvelles : travail, concurrence, entreprises en difficultés, contentieux commercial et même droit pénal des affaires ». à terme, l’objectif est de transformer la SAS BDO Avocats en SPE. « L’une des particularités de la France en matière de fiscalité, est que cette discipline est également exercée par des avocats alors qu’au sein de la plupart des autres pays c’est une discipline réservée aux experts comptables. En pratique, en s’adressant à un réseau, il importe peu au client de savoir qui fait quoi et encore moins les questions potentielles de périmètre entre la compliance fiscale, le consulting fiscal ou d’autres problématiques corrélées (FECs, etc.) analyse Sabine Sardou. Le client a une problématique fiscale qui inclut potentiellement des compétences et des outils distincts mais, pour autant, il veut une réponse et la plupart du temps un seul interlocuteur. D’où l’idée à terme de monter une SPE qui, précisément, gomme les frontières de périmètres entre nos métiers pour proposer le service qu’on attend de nous ».

Pour l’heure, les Big semblent s’en tenir à la SPFPL, notamment en raison de la difficulté d’articuler les déontologies des différentes professions. Mais cela pourrait évoluer. 

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