Avocats et administrateurs,</br> où en est-on ?
L’AMF vient de rendre son rapport 2017 sur « le gouvernement d’entreprise, la rémunération des dirigeants, le contrôle interne et la gestion des risques ». Si le régulateur constate que l’indépendance des administrateurs est satisfaisante, il apporte quelques réserves au sujet des banquiers-administrateurs. Qu’en est-il des avocats ?
Le rapport de l’AMF est globalement positif : les sociétés du panel se conforment aux recommandations sur l’indépendance des administrateurs et sur la gestion des conflits d’intérêts. Quelques réserves portent sur les banquiers via la problématique des relations d’affaires des administrateurs indépendants.
La majorité de ceux-ci ayant été classés parmi les administrateurs indépendants, mais beaucoup sans explication sur l’indépendance et/ou sans explicitation du caractère non significatif de la relation d’affaires.
Dès l’ouverture de la synthèse du rapport, l’AMF constate « qu’une proportion importante de sociétés de l’échantillon ne donne encore qu’une information parcellaire, ou ne publie pas d’information, sur les critères effectivement retenus pour apprécier le caractère significatif des relations d’affaires. »
Et de souhaiter : « Afin que les investisseurs puissent réellement apprécier la qualification d’indépendance des administrateurs, il est essentiel que la société présente dans son rapport annuel, les critères retenus par le conseil d’administration (CA) ou de surveillance (CS) afin d’apprécier le caractère significatif ou non des relations d’affaires susceptibles d’être entretenues par des administrateurs ou membres qualifiés d’indépendants ».
Le principe posé est que l’administrateur indépendant n’a pas de relations d’affaires avec la société dont il est administrateur. Mais, il peut être un client, un fournisseur, un banquier d’affaires ou un banquier de financement, à condition de ne pas être significatif pour la société, ou pour lequel la société ne représente pas une part significative de l’activité.
Parmi ceux-ci, avec ces banquiers et des clients, il peut donc y avoir des avocats, des commissaires aux comptes ou des notaires. L’enjeu pour les administrateurs indépendants est l’appréciation du seuil de « significativité », information qui dépend du conseil et devrait être explicitée dans le rapport annuel. L’AMF souhaite à l’avenir encore plus de détails et de voir clairement identifiés les membres qualifiés d’indépendants. Toujours sur le caractère significatif, elle insiste sur une appréciation qui ne soit pas que quantitative mais qui fait appel à d’autres paramètres, comme la durée, la continuité, l’organisation de la relation…
Qu’en est-il côté avocat ?
L’avocat peut être administrateur de sociétés, rien ne l’interdit. Des règles spécifiques s’appliquent, pour le mandat social, et il convient de se référer à l’article P. 41.7 du Règlement intérieur du Barreau de Paris. Les règles sont globalement les mêmes en province. L’avocat a le droit d’être administrateur ou membre du conseil de surveillance, il doit en informer le conseil de l’Ordre. A tout moment, le conseil de l’Ordre peut aussi lui demander des précisions, surtout s’il « estime que ces fonctions deviennent incompatibles avec les principes essentiels, (et) il convoque l’intéressé pour recevoir ses explications et statuer sur l’opportunité d’une démission de ses fonctions ». Rien n’est précisé sur les liens d’affaires entre la société et l’avocat, ni sur le type d’administrateur que l’avocat peut être. L’avocat peut être désigné administrateur sans être administrateur indépendant, les règles sont alors différentes au niveau du code AFEP-Medef. La profession d’avocat ne prévoit pas de règle dans ce cas précis.
Aucun problème donc, sauf que le Conseil de l’Ordre refuse de communiquer des chiffres sur les avocats concernés. La question dérange manifestement. Le débat déjà lancé en 2008 dans la LJA perdure donc aujourd’hui : L’avocat administrateur peut-il être avocat de la société ? Jean-François Prat y expliquait que « les sociétés demandent parfois à leur avocat habituel de faire partie de leur conseil d’administration. Le problème de l’indépendance se pose alors ». Car ce cumul de fonctions peut engendrer des difficultés au niveau de l’éthique et de la déontologie professionnelle. De nombreux avocats administrateurs estiment, comme à l’époque Dominique de la Garanderie, qu’il ne faut pas être le conseil de la société dont on est administrateur, indépendant ou non. D’autres ne partagent pas cette opinion, s’appuyant sur une relation d’affaires non significative et sur la possible mobilisation d’autres registres de normes (comme le conflit d’intérêts) pour évaluer la situation de l’avocat. « Par nature, un avocat est indépendant » soulignent-ils tous.
Visiblement, le conseil de l’Ordre ne semble pas avoir sanctionné des avocats qui sont ou ont été en relations d’affaires avec la société dont ils sont administrateurs. Pas de dossiers non plus sur l’appréciation du degré de « significativité » des relations d’affaires. Le sujet n’en est manifestement pas un pour l’Ordre. Force est pourtant de constater que les réserves de l’AMF pourraient être appliqués aux avocats. Un débat sur la question serait donc souhaitable.