De l’importance d’être un juriste agile
Mercredi 14 juin 2023, l’EDHEC Augmented Law Institute a organisé, en partenariat avec Septeo, un webinaire de restitution d’une enquête réalisée auprès des directions juridiques pour évaluer leur niveau d’agilité. Il apparaît, aux termes de l’enquête, qu’une majorité de juristes sont agiles sans le savoir. Explications.
L’étude a été menée par l’EDHEC Law Institute dans le cadre de l’élaboration de son index de transformation à destination des directeurs juridiques. Christophe Roquilly, directeur de l’EDHEC Law Institute et Soufiane Kherrazi, chercheur, ont présenté les résultats aux côtés de Carla Hegly-Chung, de Septeo, bénéficiant des commentaires de Nathalie Dubois, directrice juridique de Fnac-Darty. Plus de 100 membres de directions juridiques, dont certains exerçant dans de grands groupes internationaux, ont répondu à l’enquête. Parmi les répondants, quelque 45 % sont des directeurs juridiques, 23 % des managers juridiques seniors, 12 % des managers juridiques et 17 % sont juristes. Dans un peu plus de la moitié des directions qui ont répondu (51 %), l’effectif est inférieur à 10 personnes. Seuls 9 % des répondants travaillent au sein d’un service qui compte plus d’une centaine de personnes. Ce sont en majorité des hommes qui ont répondu (69 %), mais en termes de secteur d’activité de l’entreprise, la répartition est assez diverse.
Qu’est-ce qu’être agile ?
Les concepteurs de l’enquête ont d’abord défini l’agilité en rappelant qu’il s’agissait d’un concept, apparu en informatique dans les années 1990, et qui désigne la capacité, pour un programme, à s’ajuster ou à reconfigurer son organisation face au changement. Le concept s’est ensuite étendu pour qualifier, plus généralement, la capacité à se reconvertir pour produire autre chose que ce qui était prévu à l’origine. Soufiane Kherrazi rappelle qu’il ne faut pas confondre l’agilité managériale avec l’agilité juridique. Celle-ci s’articule autour de cinq axes : la proactivité de la direction juridique – connaît-elle la stratégie de l’entreprise, a-t-elle des pratiques de veille et de surveillance ? – sa réactivité (optimiser la règle de droit, renégocier avec les clients externes), sa rapidité (peut-elle délivrer rapidement, externalise-t-elle beaucoup), sa flexibilité et ses compétences. Les répondants ont évalué tous ces éléments et la moyenne des notes ainsi données compose l’index d’agilité juridique permettant d’évaluer la performance de la direction juridique sur ce point. Selon les enquêteurs, beaucoup de juristes pratiquent déjà l’agilité sans le savoir. « L’optimisation fiscale est une forme d’agilité », note Christophe Roquilly. Le benchmark global du secteur révèle que si les DJ ont de bonnes performances en proactivité, compétence et rapidité (indice supérieur ou égal à 0,7), des améliorations sont possibles en ce qui concerne la réactivité et la flexibilité.
Recommandations et commentaires
Outre cette évaluation, les enquêteurs ont identifié des bonnes pratiques ou des outils, appliqués chez les uns et chez les autres, qui améliorent les performances des directions juridiques et les ont restituées dans le livre blanc de l’agilité. Ainsi, les pratiques de rotation de poste appliquées au sein du service juridique de Sopra Steria révèlent d’intéressants résultats, de même que celle du « ticketing » envoyé à la DJ par la DSI au sein du groupe Ubisoft. Le livre blanc édité par Ubisoft, « Agile Legal Quest », remarqué par les enquêteurs, est aussi mis à disposition. On relèvera enfin l’outil de veille juridique ARGOS mis en place au sein de la DJ de la Société Générale. Selon Nathalie Dubois, les résultats de l’enquête sont, globalement, très satisfaisants. Elle observe que le benchmarking force les juristes à se questionner sur leurs process afin d’améliorer leur agilité, une compétence clé qui va s’accentuer. Mais selon Carla Hegly Chung de Septeo, « on n’est pas agile tout seul » et cette démarche nécessite l’adhésion de l’ensemble de l’entreprise, ainsi qu’une forme d’acculturation. « Digitaliser n’est pas être agile », prévient-elle, incitant les entreprises à revoir l’ensemble de leur process lorsqu’elles procèdent à la numérisation. Les commentateurs se sont ensuite interrogés sur la pertinence de la polyvalence, qui peut être considérée comme un aspect de l’agilité, mais qui dans le contexte actuel de surrèglementation peut ne pas être vue comme un objectif réaliste. Selon Nathalie Dubois, une solution : l’anticipation. « Aujourd’hui, le réglementaire a toujours un temps de retard et il faut l’anticiper afin d’accompagner les opérationnels sur des zones grises de plus en plus intenses », lance-t-elle. L’Edhec Augmented Law Insitutude et Septeo ont annoncé la création d’un club « cas de transformation » qui permettra de partager sur les bonnes pratiques des uns et des autres, éventuellement dans l’optique d’une certification.