CEPEJ : la justice française toujours désavantagée
Le 5 octobre dernier, la Commission pour l’efficacité de la justice en Europe (CEPEJ) a publié la 10e édition de son rapport, issu du 9e cycle d’évaluation des systèmes judiciaires de 44 pays européens. Fondée sur les chiffres de l’année 2020, l’analyse est bien entendu marquée par la crise sanitaire, mais n’en demeure pas moins intéressante s’agissant du comparatif avec nos voisins européens.
Alors que le CEPEJ fait état dans son rapport, d’un budget moyen de 72,50 € par an et par habitant français consacré à la justice (en-dessous de la médiane européenne qui est de 79 € par an et par habitant), la Chancellerie a très rapidement publié un communiqué pour indiquer que la situation française avait évolué à la suite de l’« effort budgétaire massif » consenti depuis 2020, soit une augmentation du budget de 26 % en trois ans. Le communiqué du ministère insiste sur le fait que les hausses de budgets successives portent désormais ce ratio à 78 € par an et par habitant. La France frôlerait désormais la médiane européenne.
Toutefois, dès lors que l’on compare ce ratio avec celui des pays voisins et comparables, la France est encore à la traîne puisqu’au sein du groupe auquel elle appartient, le ratio est de 85,80 € par an et par habitant. Nos voisins transalpins allouent à leur justice 82,15 €, les Espagnols près de 88 € et les Britanniques 111,86 €. Le rapport CEPEJ retient en effet le budget consacré à la justice comme l’un des critères de comparaison entre les systèmes judiciaires, constatant d’ailleurs qu’en deux ans, entre 2018 et 2020, la part par habitant consacrée au budget a augmenté en moyenne, de 7 €. En France, en 2020, le budget consacré au système judiciaire était stable alors qu’il avait augmenté en Europe.
La France consacrait alors 0,21 % de son PIB, ce qui était inférieur à la médiane des pays du Conseil de l’Europe. Le rapport relève également, qu’à rebours de la tendance générale, les affaires administratives françaises sont traitées plus rapidement que les affaires civiles contentieuses. Ces dernières sont en moyenne réglées en 637 jours, quand dans les pays voisins le délai est de 237 jours. En appel, il faudra 607 jours pour un dossier civil, alors que la moyenne européenne est de 177 jours. En matière pénale, le délai de traitement d’un dossier en appel est de 399 jours en France, contre 121 en moyenne dans les pays voisins.
Ces délais ont été rallongés par la crise sanitaire et par la grève des avocats, puis des transports. Si la situation s’explique en partie par le recours à des magistrats non-professionnels, dans les tribunaux de commerce et les conseils de prud’hommes, la France ne compte que 11,2 juges pour 10 000 habitants. Elle est donc bien moins dotée que ses voisins, le Portugal en dénombrant 19,4, et l’Autriche 29. Cette pénurie de moyens humains se retrouve également, de manière plus aigüe, du côté des autorités de poursuite, puisque l’on compte 3,19 procureurs pour 10 000 habitants, contre une moyenne de 11,10 chez nos voisins européens. Le rapport du CEPEJ se penche également sur la situation des avocats. Ils sont 103,9 pour 10 000 habitants alors que la médiane est de 134,5. La France peut en revanche se féliciter de compter une majorité de femmes exerçant la profession (56 %), alors que dans les autres pays d’Europe, la médiane est à 20 % de moins de femmes (36 % seulement).