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Cartographie des services juridiques 2024

Par Ondine Delaunay

La cartographie Legisway des directions juridiques pour 2024 vient d’être publiée. Menée par Wolters Kluwers, l’enquête a été menée entre mai et août dernier auprès de plus de 350 membres d’équipes juridiques internes à travers l’Europe. Cette édition est complétée par des données propres au marché français, qui témoignent des grandes tendances du moment.

Alors que l’édition de 2023 avait mis en avant le stade préliminaire du processus de digitalisation des directions juridiques européennes, le rapport de 2024 témoigne de la responsabilité croissante des services juridiques dans un paysage économique mondial en pleine mutation et face à un environnement réglementaire européen toujours plus exigeant. Les directions juridiques doivent donc non seulement s’adapter aux changements opérationnels et organisationnels, mais aussi apporter des améliorations à leurs processus pour être plus efficaces. « Ce besoin d’optimisation est devenu d’autant plus urgent que le rôle des services juridiques ne cesse de s’étendre, témoigne Sergio Liscia, directeur général de Wolters Kluwer Legal Software. Les équipes juridiques interviennent de plus en plus dans des aspects divers de l’activité, assument de plus grandes responsabilités et font partie intégrante du processus décisionnel de l’entreprise ».

L’enquête démontre que les services juridiques sont désormais bien intégrés au sein de l’entreprise et, sans doute grâce au déploiement des procédures et formations de compliance, ils collaborent bien avec les autres services et obtiennent l’adhésion des parties prenantes. Cependant la gestion de la charge de travail apparaît comme leur principale préoccupation, d’autant plus que les tâches sont toujours plus complexes à traiter au regard d’une accumulation répétée des textes de soft et hard laws dans des nouveaux domaines du droit. On pense bien entendu à l’IA, à la RSE et au droit de l’environnement notamment. Si les grandes entreprises semblent moins subir cette pression de la charge de travail, probablement en raison de leurs ressources internes plus importantes que celles des petites structures, elles témoignent néanmoins de difficultés à démontrer leur valeur pour l’entreprise. Les enquêteurs rappellent donc que « la mise en place de KPI qui mettent en évidence l’impact du service juridique sur l’atténuation des risques et les résultats de l’entreprise pourrait être un moyen de démontrer plus clairement leur valeur ».

La décentralisation des données et l’optimisation de la gestion des contrats sont également cités comme un challenge pour les directions juridiques. La dispersion des documents et des données juridiques au sein de l’organisation a en effet des conséquences inévitables sur la gestion des risques liés à l’entreprise. Et lorsque chaque service de l’entreprise dispose de son propre outil, il est assez récurrent qu’ils ne soient pas accessibles aux autres départements, voire pas du tout connectés entre eux.

Améliorer l’efficacité
des directions juridiques

Face à ces défis, les directions juridiques semblent déterminées à améliorer leur maturité et leur efficacité. Et particulièrement en France. L’enquête révèle en effet que 71 % des services juridiques européens ont un budget consacré à l’acquisition d’outils et de services technologiques juridiques (63 % en 2023). Ce budget dépasse les 50 K€ par an, dans 11 % des cas. Alors que l’année dernière, 36 % des directions juridiques françaises n’avaient pas un tel budget consacré aux nouvelles technologies, cette année, ce chiffre tombe à 27 %. Elles sont 40 % à dire qu’elles utilisent l’IA, mais pas encore de manière structurée. Elles y ont pour le moment principalement recours pour la gestion administrative (50 %) et l’analyse de documents (50 %). Le rapport précise que l’utilisation de l’IA est cantonnée à des tâches impliquant de grands volumes de données et des processus de routine, où elle peut considérablement améliorer l’efficacité et la précision. Les services juridiques seraient plus réticents à utiliser la technologie pour des tâches plus complexes telles que la rédaction de contrats sur mesure, la diligence raisonnable et les litiges.

Pour davantage optimiser leurs processus internes, les organisations sont de plus en plus nombreuses à avoir recruté un poste de legal ops. Elles sont tout de même 52 % à ne pas avoir de responsable des opérations juridiques. Mais le panel de répondants européens étant si large, des conclusions sont difficiles à tirer en fonction des régions. L’étude révèle notamment qu’au Royaume-Uni, 52 % des organisations déclarent disposer d’un professionnel des opérations juridiques, soit le taux le plus élevé parmi les pays étudiés, ce qui indique que l’accent est davantage mis sur l’optimisation des processus juridiques. En revanche, seules 38 % des organisations allemandes et 35 % des organisations françaises ont mis en place ce type de poste, et la majorité d’entre elles ne disposent toujours pas d’opérations juridiques à proprement parler. À noter tout de même que le taux français a augmenté de 7 points en 12 mois. Dans un article de la LJA consacré à cette fonction1, Eric O’Donnell, head of legal operations de TotalEnergies, témoignait de son rôle dans l’entreprise : « Il s’agissait auparavant de développer le knowledge management au sein du département juridique, puis de participer à la gouvernance du juridique c’est-à-dire l’organisation, le budget, la communication, l’IT, et bien sûr les relations avec les fournisseurs et surtout les avocats. Aujourd’hui, certains groupes se sont inspirés des pratiques américaines et britanniques pour lui donner une place stratégique, de centralisation et d’animation des équipes ». Ce nouvel acteur se positionne comme un chef de projet de la transformation et pourrait donc avoir de belles perspectives de développement devant lui. « Le voyage vers une plus grande efficacité est en cours, mais il reste encore du chemin à parcourir », conclut le rapport.