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Ça déménage à Paris !

Par Ondine Delaunay

Depuis le début de l’année, plusieurs cabinets d’envergure ont annoncé leur déménagement. Si la localisation des nouvelles implantations n’est pas une surprise, c’est bien l’aménagement de l’espace de travail qui change. Le reflet de nouvelles attentes des équipes ?

Les équipes de Berenice Avocats viennent tout juste d’ouvrir leurs cartons, au 17, boulevard Raspail, dans le septième arrondissement de la capitale. Celles de Taylor Wessing sont enfin installées au 12, rue de la Paix, quittant le quartier de Saint-Philippe du Roule où elles exerçaient depuis 10 ans. Moncey succédera, en septembre, à la Ligue de Football Professionnelle au 6, rue Léo Délibes, dans le seizième arrondissement. Pinsent Masons ambitionne pour sa part de déménager à l’automne au 35, boulevard des Capucines, dans le quartier de l’Opéra. Holman Fenwick Willan prévoit l’ouverture de son nouveau bureau parisien, au 15 de l’avenue d’Iéna, cet été. Quant à EY, signe des temps, il quittera fin 2025 le quartier de la Défense pour rejoindre l’immeuble One Monceau, au 2, avenue Hoche. « Le marché de la location de bureaux pour les cabinets d’avocats est très actif en ce moment et le nombre de déménagements a considérablement augmenté depuis de l’année », témoigne Agathe Clamagirand, ancienne avocate reconvertie en immobilier d’entreprises chez Cap Associés.

Selon les données d’Immostat, le secteur de la location de bureaux dans le quartier central des affaires de Paris (QCA) – 1er, 2e, 8e, 9e, 16e et 17e arrondissements – a le vent en poupe. Le taux de vacance locative n’y est que de 2 % (contre 8 % pour le reste de la capitale). « Il est de 1,5 % dans le septième arrondissement aujourd’hui », précise la conseillère en immobilier qui relève très peu d’offres dans ce quartier de plus en plus prisé par les cabinets d’avocats.

Un coût non négligeable

Dans ce marché tendu, il ne faut pas croire que s’engager dans un déménagement permet au cabinet de faire des économies. « Les loyers ne cessent d’augmenter à Paris », indique Agathe Clamagirand. Dans le QCA, les loyers oscillent entre 650 € et 800 €/m² pour des bureaux de bon standing. Pour un immeuble prime restructuré avec services (salles de sport, auditorium, restauration…) certains loyers ont atteint 900 € -1 000 €/m². « Il ne faut pas oublier d’y ajouter les charges financières et les taxes qui augmentent significativement les coûts au m2», ajoute-t-elle en rappelant l’importance des frais annexes d’un déménagement, notamment l’exigence de remise en état des locaux que l’on quitte dont la facture peut être élevée et qui doit s’ajouter aux montants d’aménagement de l’espace de travail du nouveau bien.

Mais ce n’est pas pour décourager les cabinets qui commencent à réfléchir à leur réinstallation, avant même que leur bail ne soit achevé. « Le marché est si tendu à Paris qu’il est facile de trouver un repreneur en cours de bail, quitte à lui accorder une franchise de son loyer annuel », poursuit-elle.

Une nouvelle organisation de travail

Plusieurs paramètres expliquent cette agitation. D’abord le mercato, chaque année plus intense, avec une croissance continue de la taille des équipes de collaborateurs. La pandémie a également rebattu les cartes. Le télétravail a finalement assez peu d’effets sur la présence au bureau des avocats parisiens qui, pour la plupart, se déplacent au cabinet au moins quatre jours par semaine. Certaines structures ont d’ailleurs pris le pari d’encourager le flex-office pour favoriser la rencontre entre équipes qui ont longtemps été organisées par étages, voire par immeubles, sans se croiser dans les couloirs. À l’image de Simmons & Simmons, qui s’est installé début janvier, dans des nouveaux locaux situés au 21-23 rue de la Ville l’Evêque, et qui fait la part belle au flex-office et à des espaces collaboratifs de travail et de rencontres. Olivia Altar Savy et Simon Allal, chasseurs de têtes au sein du cabinet W Executive, relèvent que cette nouvelle forme de travail « ne fait pas toujours consensus chez les collaborateurs qui affectionnent généralement l’idée d’avoir leur propre bureau. Loin d’être en soi un argument de recrutement, la question de la flexibilité dans l’organisation du quotidien est quant à elle bien plus centrale et recherchée par les candidats ». Pour Agathe Clamagirand, « si le flex-office a un impact assez faible sur les jeunes collaborateurs et les stagiaires, la majorité des avocats seniors et des associés s’y refusent catégoriquement. Ils veulent leur bureau personnel, quitte à le partager avec un stagiaire éventuellement ».

Dès lors, pour encourager les échanges et le sentiment de partage, les cloisons des bureaux sont de plus en plus vitrées. Ainsi l’immeuble qui sera bientôt investi par Pinsent Masons a été, au xixe siècle, l’atelier de l’artiste Nadar, qui l’a rendu célèbre avec sa façade entièrement vitrée, et les espaces ont été pensés pour améliorer la cohésion des équipes. La plupart des nouveaux locaux ont également un rooftop de plusieurs centaines de m2. « On est très loin des anciens modèles de bureaux prestigieux avec parquet, moulures et cheminées, constate Agathe Clamagirand. Les avocats vont aujourd’hui se tourner vers des « grands plateaux » rationnels, faciles à optimiser afin de favoriser les synergies, les interactions et la convivialité ». Mais attention, préviennent pour leur part les recruteurs : « si les locaux sont trop prestigieux et coûtent cher au cabinet, les collaborateurs vont s’inquiéter du niveau de leur bonus annuel ». Convivial, bien placé, moderne mais pas trop cher… Que demander de plus ?! 

« Si le flex-office a un impact assez faible sur les jeunes collaborateurs et les stagiaires, la majorité des avocats seniors et des associés s’y refusent catégoriquement. Ils veulent leur bureau personnel, quitte à le partager avec un stagiaire éventuellement. »