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Bilan du public M&A en France au premier semestre 2024

Par H. Segain

Linklaters a réalisé une étude chiffrée sur le public M&A en France durant le premier semestre 2024. L’occasion pour Hubert Segain, qui a rejoint le cabinet en qualité d’associé et co-head de l’équipe corporate du bureau parisien le 15 juillet dernier, d’analyser les derniers mois de l’activité dans l’hexagone et de la mettre en perspective au regard de la situation internationale.

Quels sont les grands enseignements de cette étude ?

Hubert Segain : Je précise tout d’abord qu’elle a été réalisée avant la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée le 9 juin 2024. L’étude, qui se base sur les données de LSEG workspace, révèle une hausse significative des montants des opérations réalisées durant le premier semestre 2024 pour atteindre 13,5 Mds$ (12,4 Mds€). Elle s’élève à plus de 60 % par rapport aux 8,2 Mds$ (7,6 Mds€) recensés au premier semestre 2023. En revanche, le nombre de deals a diminué. Durant le S1 de l’année dernière, 25 opérations de public M&A avaient été comptabilisées en France et 28 lors du second semestre. Cette année, au cours du premier semestre, seuls 17 deals ont été recensés, révélant ainsi une baisse de 32 %. Des tendances similaires sont observées en Europe, avec un doublement en valeur du montant des opérations au S1 2024, qui atteint 135,9 Mds$ (124,7 Mds€), par rapport à la même période au cours du S1 2023 (66,7 Mds$, soit 61,2 Mds€), et en hausse de près de 40 % par rapport au S2 2023. Le nombre de deals est passé de 316 au S1 2023 à 288 au S1 2024.

Cette reprise en demi-teinte est dans la lignée de ce que l’on peut observer au niveau international.

Il serait donc trompeur de parler d’une reprise du marché en 2024, par rapport à l’an passé. Certes les montants moyens des opérations ont augmenté, mais pas le nombre d’opérations. Les banquiers d’affaires ont tout de même évoqué un frémissement d’accélération au deuxième trimestre 2024.

Quelles sont les caractéristiques des deals qui
ont été conclus par les sociétés cotées françaises ?

H. S. : Quelques deals large cap ont eu une influence significative sur ces statistiques. À l’image de l’offre de Brookfield sur Neoen. Certains secteurs, comme celui de l’énergie, de l’industrie (avec l’entrée d’ArcelorMittal au capital de Vallourec) ou de la technologie (Micropole, Visiativ ou Osmozis) sont restés très actifs.

Dans près de 41 % des cas, les maisons-mères des investisseurs proviennent d’autres pays que la France, comme par exemple le Japon avec la prise de participation de Colopl, éditeur japonais de jeux vidéo coté à la Bourse de Tokyo, dans Crypto Blockchain Industries.

La part du private equity sur ce type de deals a tout
de même augmenté au premier semestre 2024.
Que faut-il en conclure ?

H. S. : Les fonds d’investissement commencent à réinvestir le marché. La présence des fonds infra et énergie demeure résiliente. La part que les fonds représentent dans les deals M&A a commencé à croître, en passant de 21 à 24 %, en comparant les S1 de 2023 et de 2024.

La dissolution de l’Assemblée nationale a été annoncée le 9 juin dernier, au sortir des élections européennes. Quelles conséquences sur le marché du public M&A ?

H. S. : Les opérations stratégiques qui n’ont pas encore été annoncées et dans lesquelles il existe un risque politique ont été repoussées. Celles par exemple où le contrôle des investissements étrangers peut être délicat, ou bien celles où l’on peut craindre que l’environnement politico-médiatique s’empare du dossier. Les conseils d’administration s’inquiètent de voir leur opération instrumentalisée. Ces deals ne sont donc pas arrêtés, mais on a clairement appuyé sur la pédale de frein en attente de connaître la coalition gouvernementale et le programme qui sera appliqué. Le M&A déteste l’incertitude. Je note tout de même que les cours de bourse ne sont pas en dérapage important même si l’on constate, depuis la dissolution, un décrochage du cours du CAC 40 par rapport à celui du FTSE.

Une fois la situation clarifiée et en fonction du futur gouvernement, il est possible que le M&A français reparte à la hausse.

Qu’en est-il du M&A mondial. Anticipez-vous un coup
de frein avec les élections présidentielles américaines
à l’automne prochain ?

H. S. : Il est difficile d’anticiper les réactions des marchés aux diverses élections, mais l’on peut s’attendre à une reprise du marché post-élections américaines. Les clients du SBF que je conseille n’hésitent pas à investir aux États-Unis. L’instabilité politique française et le récent changement de pouvoir en Grande-Bretagne, sans oublier l’Italie, constituent autant d’événements européens qui valident la stratégie des grands groupes d’aller chercher de la croissance outre-Atlantique. Le premier marché du M&A est le marché américain. Le volume des deals US compte pour plus de 50 % du volume du M&A mondial.

Linklaters poursuit d’ailleurs son développement aux États-Unis en ayant recruté, en janvier dernier, une équipe en provenance de Shearman & Sterling, menée par George Casey, spécialisée en droit boursier et fusions-acquisitions. Elle est composée d’une dizaine d’avocats, dont trois associés particulièrement réputés sur le marché. Linklaters a de grandes ambitions à New York et entend également renforcer d’autres spécialités reconnues comme le regulatory ou l’antitrust. Ce n’est que le début et les premiers résultats sont de très bon augure. T

Ondine Delaunay

Notes

(1) Comprend toutes les fusions-acquisitions achevées et en cours impliquant une cible cotée en France, selon les données de LSEG Workspace, et inclut les acquisitions de participations majoritaires et minoritaires, ainsi que les fusions. Comprend les acquisitions par le biais d’offres publiques d’achat et les acquisitions de participations partielles sans offre publique d’achat. Les opérations de restructuration de la dette, les acquisitions par voie de faillite et les rachats sont exclus. La valeur de l’opération inclut la dette nette de la cible.