Baromètre des mouvements d’avocats en 2024
Il est attendu avec impatience par la communauté des avocats d’affaires chaque année car il révèle les grandes tendances du mercato dont la LJA est le premier témoin. Le baromètre des mouvements d’associés dans les cabinets d’avocats d’affaires en France en 2024, publié par PwC Legal Business Solutions, vient tout juste de paraître. Et comme toujours, la LJA a l’honneur de révéler ses grandes lignes en avant-première.
Quelque 406 mouvements d’associés ont été observés sur le marché français en 2024. Pas de record historique en vue puisque l’année 2023 avait comptabilisé 425 mouvements. Il s’agit donc même d’une diminution de 5 % par rapport à la saison précédente. À première vue, rien d’étonnant. La guerre aux portes de l’Europe, l’élection présidentielle américaine, la dissolution du Parlement français, l’augmentation vertigineuse des procédures collectives dans l’Hexagone, sont autant d’explications à la baisse de l’activité des cabinets d’affaires et donc au ralentissement du mercato. Mais Jérôme Rusak, associé de PwC Legal Business Solutions qui pilote ce baromètre depuis 19 ans, se veut très positif : « Le marché français de l’association a passé un cap important depuis deux ans qui s’établit désormais autour de 400 mouvements ». Il rappelle d’ailleurs que l’année 2023 reste un record depuis 2006. Jusqu’à 2011 le nombre de mouvements s’établissait à moins de 200. Entre 2011 et 2018, il a stagné autour de 250, pour passer la barre des 300 à compter de 2019.
Les 406 mouvements comptabilisés se sont répartis entre 188 cabinets. En moyenne, chaque cabinet a recruté 2,1 associés, ce qui est en ligne avec la moyenne historique. Quelques structures se démarquent néanmoins comme Squair, dont le modèle d’association est assez particulier(1), qui a attiré 27 nouveaux associés en 2024. Mais aussi Frieh Brault & Associés(2), Gide Loyrette Nouel ou encore la jeune et très discrète boutique en droit social Holis Avocats fondée par une équipe menée par Foulques de Rostolan.
La progression des femmes associées
Une fois n’est pas coutume, la vraie performance pour 2024 ce sont les femmes. Elles sont 192 associées à avoir entrepris de changer de cabinet. Jérôme Rusak indique que « ce record s’inscrit dans la hausse constante de la part des femmes dans les mouvements, passant de 22 % en 2006 à 47 % en 2024. Si cette tendance se poursuit, la parité pourrait être atteinte en 2028 ». Quelque 53 % des collaboratrices profitent de leur changement de maison pour devenir associées (+13 points par rapport à 2023). Une statistique qui dépasse, pour la première fois, celle des hommes (47%). La vague féminine qui a été constatée depuis une petite quinzaine d’années dans les universités de droit est donc désormais en âge d’être associée. Contrairement à ce qui était prédit, toutes les femmes n’ont pas choisi de quitter la profession pour devenir juristes d’entreprises. Et outre les expertises historiquement très féminisées (en social, environnement, immobilier, IP/IT et NTIC/media), 2024 marque une féminisation accrue de l’ensemble des expertises. Même le corporate n’échappe pas à la tendance : la matière est ainsi passée de 28 % de femmes en moyenne historique à 37 % en 2024.
Les politiques d’égalité entre les genres, qui ont pullulé depuis plusieurs années au sein des cabinets, sont sans aucun doute l’une des explications à cette tendance. Mais Jérôme Rusak s’interroge : « On a vu très récemment plusieurs très grands cabinets de conseil et d’avocats annoncer aux États-Unis arrêter ou ralentir leurs engagements et programmes pour l’inclusion et la diversité. Il sera intéressant de voir comment les cabinets en France vont se positionner sur le sujet ». Ce sont surtout les équipes américaines des cabinets de Big qui ont été les premiers à mettre sur pause leur politique de diversité, parfois en toute discrétion d’ailleurs. Nos confrères de The Lawyer ont révélé, ce lundi, que 20 cabinets américains venaient de recevoir une lettre de l’administration américaine visant à remettre en cause leur programme (3). Comment vont pouvoir réagir les branches françaises de ces firmes ? Quelle va être leur marge de manœuvre ? Pour le moment, aucun discours officiel des managing partners français ne va à l’encontre de ces politiques en faveur des femmes. Mais pour combien de temps encore ?
Les jeunes cabinets attirent davantage
Comme depuis plusieurs années, le changement de cabinet apparaît la voie idéale pour devenir associé. Ce type de démarche représente d’ailleurs 39 % des mouvements en 2024 (+6 points par rapport à 2023). Le baromètre révèle que « l’écart entre les mobilités horizontales (associés qui changent de cabinets et qui restent associés) et verticales se réduit. L’écart moyen historique est de 30 points alors qu’il est de 20 sur les cinq dernières années ». Sans surprise, 48 % de ce ces promotions verticales sont à destination d’une jeune structure (crée entre 2021 et 2024) et seulement un quart de ces mouvements sont à destination de ce que le rapport appelle « les cabinets historiques », c’est-à-dire ceux créés avant 2006. Ces derniers ont en effet davantage tendance à privilégier la voie de la cooptation interne, plutôt que de recruter en externe de jeunes associés. Exception faite, bien sûr, des firmes qui n’ont pas veillé à maintenir une pyramide des âges équilibrée au sein de leurs équipes de collaborateurs, voire qui ont dû se séparer ou subir des départs d’équipes. Jérôme Rusak note cependant un ralentissement de la croissance des effectifs des associés et de la promotion dans les cabinets historiques qui conduisent les collaborateurs à s’associer et fonder un cabinet. Il précise : « les nouveaux cabinets présentent des attributs attractifs pour les collaborateurs : agilité, culture d’entreprise dynamique... ».
Quant aux cabinets « historiques », ils privilégient des profils ayant déjà de l’expérience comme partners. Ceux-ci représentent 38 % des mouvements (contre 29 % en 2023). Les matières les plus recherchées sont le corporate M&A (17 % de la part totale des mouvements), le droit social (14 %), le contentieux (13 %). Signe des temps, le baromètre note également une croissance significative des mouvements en droit pénal des affaires, en droit international et en ESG/RSE.