Baromètre des mouvements d’associés en 2023

La LJA en a été le témoin privilégié, le mercato de l’année 2023 a été exceptionnel. Le baromètre de PwC Legal Business Solutions a comptabilisé 425 mouvements d’associés, soit une augmentation de 35 % par rapport à 2022 où 315 changements avaient été recensés. C’est même un record absolu depuis 2006 !

Une première explication est avancée par Jérôme Rusak, fin analyste du marché, qui pilote l’étude depuis sa création : « En 2023, le tsunami intelligence artificielle et l’évolution des besoins des entreprises ont contribué à sérieusement ébranler les modèles traditionnels des cabinets d’avocats d’affaires générant des opportunités de développement et de leaderships pour nombre d’associés qui ont soit créé leurs propres structures soit rejoint des structures nouvellement créées ». Pour la rédaction de la LJA, cette tendance s’explique aussi par l’arrivée d’une nouvelle génération d’avocats en âge de devenir associés. Or, celle-ci semble être constituée de profils très entrepreneurs, en tout cas elle est moins encline à rentrer dans des modèles traditionnels des grandes firmes, où l’on attend 12 ans avant d’avoir accès au partnership, pour finalement découvrir les contraintes d’un réseau parfois financièrement lourd et qui ne laisse que peu d’autonomie dans la gestion de la clientèle et des dossiers à cause de procédures internes rigoureuses, qui ne sont bien souvent pas dictées par le bureau parisien. Le baromètre témoigne d’ailleurs de cette réduction du poids des « institutions » dans l’attraction des mouvements d’associés. « Les cabinets d’avocats créés avant 2006, qui concentraient historiquement environ 50 % des mouvements, voient en 2023 leur poids chuter à 29 %, soit une baisse 11 points par rapport à l’année 2022 », relate l’étude.

L’attrait des nouvelles boutiques

Cette année, les mouvements d’associés vers un cabinet créé en 2023 atteignent 40 %. On notera à ce propos, le fort attrait des cabinets de niche, particulièrement ceux spécialisés en social ou en droit public. Une tendance que la LJA avait d’ailleurs relevé dans son étude sur les boutiques fondées depuis cinq ans : sur 294 cabinets crées pendant cette période, 206 structures de niche ont été installées¹. Et durant les 12 derniers mois, la tendance n’a fait que se confirmer, comme en témoignent les résultats du baromètre : « En 2023, le poids des cabinets de niche dans les mouvements atteint un nouveau record avec 30 % des mouvements enregistrés (129 mouvements), soit une croissance de 200 % par rapport à l’année 2022 ». Pour Jérôme Rusak : « Ce mouvement reflète aussi l’évolution des besoins des entreprises : aujourd’hui, une grande part des dossiers sont internalisés à la direction juridique, à la direction fiscale ou à la direction des ressources humaines, car ces directions ont recruté des profils très compétents… souvent dans les cabinets. En conséquence, l’externalisation s’opère de plus en plus vers l’ultra-expertise ».

La féminisation des pratiques

On le sait déjà depuis plusieurs années, les femmes ont compris que pour devenir associées, elles devaient bien souvent changer de cabinet. En 2018, le baromètre relevait que dans 43 % des cas, le mouvement aurait constitué un sésame pour leur association. Et d’ailleurs, 39 % des mouvements de femmes se portaient vers les cabinets récemment crées². Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le plafond de verre existe toujours. En 2023, 188 mouvements d’associées femmes ont été enregistrés, représentant 44 % des mouvements. « La moyenne oscille autour des 40 % depuis cinq ans. Si cette tendance se poursuit, la parité pourrait être atteinte en 2028 », précise le baromètre. Il est par ailleurs très intéressant de noter que, désormais, le droit social est davantage masculinisé que féminisé, tandis que l’IP-IT et les NTIC/media/données personnelles sont plus féminisées qu’en moyenne. Le taux de féminisation est en outre très élevé en droit des assurances (86 %) et en arbitrage (57 %).

Les expertises en vogue

Autre indicateur essentiel de cette étude car il est le reflet de l’évolution des besoins des clients : les mouvements d’associés par expertise. Comme souvent, c’est le corporate M&A qui génère le plus de changements (79) en 2023. Il est classiquement suivi du fiscal, qui représente 16 % du mercato, mais avec un record de 67 mouvements enregistrés cette année. En troisième position, grimpant d’un rang par rapport à l’année précédente, c’est le social qui a les honneurs. Le baromètre y voit le reflet d’un contexte économique difficile qui tend le dialogue social, tout en précisant : « ce record est à nuancer par la création d’un cabinet en droit social qui a concentré 21 % des mouvements d’associés sur cette expertise ». En l’occurrence, Littler France qui a ouvert ses portes à Paris en janvier 2023 grâce au recrutement de 13 associés, tous issus de Fromont Briens.

On ne manquera pas de noter, enfin, le record des mouvements d’experts en droit de l’environnement et en RSE, qui sont, là encore, le révélateur d’une tendance actuelle de préoccupations chez les clients.