Mettre en place une politique contractuelle
Effet de mode ou pas, la politique contractuelle a le vent en poupe au sein des directions juridiques !
La politique contractuelle définit les règles/situations/seuils pour lesquels l’intervention de la direction juridique 1) est nécessaire systématiquement à 100% pour un contrat, 2) n’est pas systématiquement nécessaire et le contrat peut être rédigé par l’opérationnel / client interne sur la base de modèle avec ou sans revue du juridique, 3) n’est pas du tout nécessaire. Au-delà de permettre de repositionner la Direction juridique au sein de l’entreprise, la mise en place d’une politique contractuelle peut l’aider à prioriser, et à terme, procurer une valeur ajoutée certaine à l’entreprise. Pleins feux sur les bénéfices et les étapes de la mise en place de la politique contractuelle via un retour sur nos expériences passées avec nos clients directions juridiques.
1. Quels bénéfices tirer de la mise en place d’une politique contractuelle au sein de l’entreprise ?
Les bénéfices de la mise en place d’une politique contractuelle ne sont plus à démontrer au sein des directions juridiques. Mais, les juristes ne sont les seuls à profiter de sa mise en place ; les clients internes et les acteurs de la conformité notamment peuvent y trouver un intérêt certain.
Pour les juristes
• Formaliser/Clarifier les règles du jeu contractuel en fournissant des lignes directrices claires (moment et domaines d’intervention des juristes…) ;
• Atténuer la pression du juriste autour du Contrat - à la manière d’une cartographie des risques – en recentrant chacun des acteurs du processus contractuel sur ses responsabilités ;
• Renforcer/Instituer une culture juridique et responsabiliser les clients internes ;
• Améliorer la communication de la direction juridique en établissant un langage et des processus communs de travail autour du Contrat ;
• Homogénéiser les pratiques contractuelles ;
• Permettre une meilleure maîtrise des risques juridiques et assurer la sécurité juridique ;
• Suivre le rythme imposé par le développement de l’entreprise : répondre rapidement aux problématiques opérationnelles (exemple faciliter la validation ou la signature d’un contrat…) ;
• Assurer un meilleur suivi contractuel : éviter que le contrat ne soit jeté aux oubliettes sitôt signé, ou perdu, sachant que certains contrats peuvent avoir une valeur stratégique pour l’entreprise ;
• Préparer le terreau pour une digitalisation / intégration des outils.
Pour les clients internes et acteurs de la conformité
• Gagner en autonomie et en temps / réactivité : l’enjeu derrière étant bien évidemment d’assurer l’efficacité et la performance opérationnelle et l’atteinte des objectifs fixés par l’instance dirigeante. Ce bénéfice sera d’autant plus facilement atteint que la politique contractuelle sera associée à un outil digital (type contrathèque : mise en place de workflow pour la validation, la signature des contrats, configuration d’alertes pour les échéances contractuelles…) ;
• Faciliter la prise de décision (validation, signature…) ;
• Avoir un cadre [contractuel] clair à communiquer aux nouveaux arrivants et faciliter leur intégration ;
• Définir le temps d’intervention des acteurs de la conformité : pas toujours très clair pour les opérationnels, ni même parfois pour les juristes ;
• Maîtriser les risques compliance, par-là entendu les risques corruption, conflits d’intérêts, et données personnelles : la politique contractuelle peut être utilisée comme mesure de contrôle du risque avec des points de contrôle définis à telle ou telle étape du processus contractuel ;
• Imposer certaines clauses dans les contrats : clause anticorruption, RSE, Données Personnelles…
2. Comment mettre en place une politique contractuelle ?
Informer et définir le périmètre
Le premier temps de la mise en place d’une politique contractuelle est l’information des instances dirigeantes, ainsi que des parties prenantes internes. L’objectif est de permettre une appropriation du sujet et une adhésion à la démarche au plus haut niveau de l’entreprise. Plus l’adhésion est forte plus grand sera le succès du projet.
Doit également en amont être circonscrit le périmètre de la [future] politique contractuelle (sociétés concernées, inclusion ou non des filiales, pays concernés, directions concernées, utilisateurs…). Ensuite seulement, pourra être envisagée de manière plus concrète la mise en place de la politique contractuelle, que nous pouvons résumer en 4 temps :
- Identification des usages actuels des utilisateurs,
- Définition des processus contractuels,
- Définition des règles du jeu contractuel,
- Déploiement.
Identifier les usages actuels des utilisateurs
Cette étape consiste à identifier les pratiques contractuelles / usages actuels des clients internes de la Direction juridique, mais également celles / ceux des juristes et des acteurs de la Compliance (DPO, Audit, Direction Conformité). A cette étape, il peut être également utile de cartographier l’ensemble des outils digitaux utilisés.
La consultation des utilisateurs se fait généralement via des ateliers d’échanges (workshop). Il faudra veiller à bien expliquer la démarche, ainsi que les attendus en termes de soutien au projet, de livrables (politique unique, politique Groupe et politique d’application au niveau de chaque direction/filiale/BU). Une organisation en mode gestion de projet et un accompagnement est dans ce cadre fortement conseillé.
Lorsqu’il est envisagé d’associer la politique contractuelle à un outil de gestion contractuelle - que celui-ci existe déjà ou que son implémentation soit envisagée - la consultation peut également permettre de recueillir les besoins des [futurs] utilisateurs en termes de fonctionnalités de cet outil (workflow, signature électronique…).
Dessiner les processus contractuels
A partir de l’identification des pratiques et interactions des parties prenantes au processus contractuel, pourra être entamée une analyse des informations remontées, afin notamment de mettre en cohérence l’ensemble et de dessiner les processus contractuels optimisés.
L’utilisation du terme « dessiner » n’est pas anodine ; la politique contractuelle et les processus contractuels associés seront en effet plus facilement accessibles et lisibles qu’ils s’appuieront sur le legal design.
Par ailleurs, si là encore l’objectif est d’associer la politique contractuelle à un outil de gestion contractuelle, les processus contractuels dessinés doivent prendre en compte cet aspect et, inversement, l’outil en question paramétré pour intégrer les processus contractuels, les templates de contrats mis à disposition...
Définir les règles du jeu contractuel
Cette étape peut être envisagée concomitamment à la formalisation des process contractuels. Elle consiste à formaliser et à expliquer de manière plus détaillée les grandes étapes du processus contractuel et les règles du jeu contractuel.
Tout l’enjeu d’une politique contractuelle est de définir les règles du jeu contractuel, et de prioriser. Prioriser revient à définir les règles encadrant l’intervention du juriste dans le processus contractuel. Pourront être pris en compte dans la définition desdites règles les niveaux de complexité et de risques, ainsi que le volume contractuel/récurrence.
De manière générale, la politique contractuelle permettra de définir des règles/situations/seuils selon la complexité et la valeur ajoutée financière et juridique tels que par exemple : durées, montants, parties prenantes concernées, géographies concernées… pour lesquels l’intervention de la direction juridique :
• Est nécessaire (intervention du juriste à 100%) : soit parce que le risque juridique est élevé, les enjeux financiers et/ou juridiques sont importants, soit que les contrats nécessitent du sur mesure ;
• N’est pas systématiquement nécessaire : avec visa, ou sans visa des juristes (par exemple en cas de modification d’un template de contrat mis à disposition) ;
• N’est pas du tout nécessaire : par exemple existence de templates de contrats mis à disposition, possibilité d’utiliser les CGA.
Les responsabilités (qui fait quoi entre le juriste et l’opérationnel, entre le juriste en central et celui en BU, rôle de la Direction des Achats…) devront être définies à chacune des étapes du processus contractuel. En s’évertuant de trouver un équilibre pour que la direction juridique ait toujours un minimum de visibilité, même pour les contrats laissés à la main des opérationnels.
De la même manière, les règles peuvent inclure les sujets compliance (cas de recours au DPO, au compliance officer…).
Déployer la politique
Une fois la politique contractuelle formalisée et validée, doit ensuite être envisagé son déploiement. Cela implique de :
• Faire tester
Cette étape permet de faire tester la cohérence des process contractuels et la lisibilité des règles du jeu contractuel par les métiers (futurs utilisateurs) ou par un panel au sein de l’entreprise et, au besoin, faire des dernières modifications avant déploiement.
• Informer et former si besoin
La seule formalisation de la politique contractuelle ne suffit pas. Encore faut-il qu’elle puisse être utilisée. Les équipes doivent donc à nouveau être informées à la fin du projet. Un bon plan de communication est dans ce cadre essentiel !
Des formations sur l’utilisation des modèles de contrats mis à disposition des opérationnels peuvent tout aussi bien être envisagées.
Un accompagnement des utilisateurs en termes de conduite du changement n’est par ailleurs pas à négliger, dans la mesure où la politique contractuelle est susceptible d’impliquer une modification substantielle des pratiques des opérationnels. Dans ce cadre, le « championing » (désigner des pilotes ou « champions ») pourra être utilisé avant d’envisager un déploiement à plus large échelle.
• Monitorer et Mesurer l’impact Business grâce à des KPIs simples
Il peut être intéressant de mesurer l’impact de la mise en place de la politique contractuelle. Cela peut être fait au moyen d’indicateurs de performance. Quels qu’ils soient, ces KPIs doivent être corrélés à l’objectif ayant conduit à la mise en place de la politique contractuelle.
En définitive, la mise en place d’une politique contractuelle peut être un puissant levier d’efficience pour la direction juridique. Mais, cet objectif sera d’autant plus atteint que la politique contractuelle sera couplée à un outil digital.