La fidélisation des collaborateurs
La fidélisation des collaborateurs, et en particulier les plus expérimentés, est devenue un sujet de réflexion crucial au sein des cabinets d'avocats qui voient la composition de leurs équipes se modifier régulièrement et rapidement. Les départs et autres défections entraînent une augmentation substantielle des coûts de recrutement. Un processus d’intégration des nouvelles recrues sérieux et efficace prend du temps. Or, trop souvent, il se limite à un tour des bureaux et à un déjeuner en équipe. Quant aux efforts – souvent réels – de formation, ils sont vite ruinés par les démissions des collaborateurs qui vont mettre à profit chez les concurrents leurs compétences acquises au sein du cabinet. Quant à la relation intuitu personae, on sait qu’elle participe largement à la qualité du service rendu au client. Avec le départ d’un collaborateur, le risque d’insatisfaction d’un client augmente. Ce risque est d’autant plus élevé que le collaborateur est expérimenté. Ce sont là quelques bonnes raisons de se poser la question de la fidélisation des collaborateurs. Celle-ci, cependant, ne peut être envisagée sans une réflexion sur la gestion de la performance humaine (cf fiches n°6 et n°7).
Dans ce domaine, il est important – quoique souvent difficile – d’éviter le point de vue « affectif ».
Trop souvent, l’associé ou le manager ne porte pas un regard rationnel sur la fidélisation de son collaborateur. Au contraire, il aura tendance à projeter sur celui-ci ses préférences ou ses modes de réflexion personnels. Certains pourront, selon les cas, adopter un point de vue angélique (« si on est gentil avec les gens, ils resteront ») ou bien cynique (« si on les paye bien, ils resteront » ou encore « de toute façon ils ne trouveront pas ailleurs »). En l’absence d’une réflexion qui reposerait sur une connaissance des mécanismes favorisant l’engagement, la loyauté et la motivation, cette perspective s’avère trop réductrice et ne peut apporter que des solutions au « coup par coup ».
En réalisant des diagnostics approfondis au sein des cabinets, on s’aperçoit que ces mécanismes concernent tous les collaborateurs et qu’il existe des facteurs communs qui influent sur la stabilité des effectifs. La rémunération en fait certes partie mais elle n’est pas la seule. La question du statut des plus seniors qui n’ont pas vocation à entrer dans le partnership est également un élément important. Mais d’autres facteurs sont également déterminants. On peut facilement les repérer lorsqu’on réalise des exit interviews ou "entretiens de sortie", qui permettent au cabinet de recueillir des informations utiles pour améliorer son processus de fidélisation des collaborateurs. La mise en place effective de cette pratique est recommandée dans toutes les structures du secteur des prestations intellectuelles car si les informations rassemblées sont bien analysées et si les leçons sont tirées, la gestion du potentiel humain peut être considérablement améliorée.
On peut distinguer quatre aspects liés à la motivation, l’engagement et la loyauté des collaborateurs vis-à-vis de leurs cabinets.
Le premier concerne les modalités de leur contribution, et en particulier ce qu’on attend d’eux et les outils, équipement et informations nécessaires pour répondre aux attentes. Le second renvoie à la perception et la reconnaissance de la contribution du collaborateur. Il ne s’agit pas seulement d’une reconnaissance financière mais de toute forme de reconnaissance, y compris informelle. Sans cette reconnaissance, il est impossible au collaborateur de penser que sa contribution est perçue comme valable. Le troisième au sentiment d’appartenance collective (procuré notamment par une communication interne pertinente sur la stratégie et le futur du cabinet aussi bien que sur son fonctionnement quotidien) et le quatrième concerne le progrès collectif : comment le cabinet et le collaborateur peuvent-ils avancer ensemble ? Sous ce thème, on peut regrouper les préoccupations liées à la formation, au développement professionnel, au parcours vers l’association mais aussi toutes les décisions ou initiatives prises pour instaurer entre le collaborateur et le cabinet un mode de collaboration efficace et équilibré.
On ne saurait trop recommander aux cabinets qui se posent la question de la fidélisation de leurs collaborateurs d’éviter de sauter directement à la solution de la rémunération ou du statut alternatif au statut d’associé. Sans une analyse approfondie de l’existant et un regard sans concession sur les vraies causes des départs, il y a peu de chances que ces solutions permettent d’installer une fidélisation durable.