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Je suis nul(le) en développement : une croyance

Par Emmanuelle Vignes

Le managing partner d’un cabinet annonce « qu’il va falloir redoubler d’efforts en terme de développement »...

Pierre est associé. Il ne dit rien mais il est complètement stressé à l’idée de « devoir sortir de sa coquille ». Il perçoit cette demande presque comme une agression. Mais ne dit rien. Martine aussi est associée. En entendant la demande de son managing partner, elle panique. Elle se demande comment elle va s’y prendre. Elle a déjà tant de mal à développer depuis deux ans. Elle aimerait bien faire « plus et mieux », mais elle ne voit pas comment s’y prendre. Son chiffre stagne, voire baisse depuis quelques mois et ce, malgré bien des efforts, car Martine est volontaire. Elle n’a rien osé dire à ses associés bien sûr. Pourtant tout le monde a les chiffres. Et personne n’est venu lui parler. Pour Pascal, un autre associé, au contraire ce genre de challenge l’excite ! Comment développer alors que tout le monde ne parle que de crise financière ? Nous pourrions presque dire qu’il sent le courant électrique passer dans ses veines ! « Même pas peur ! » Martine le regarde et se dit : « Pfff, pour Pascal c’est facile. Il a cela dans la peau ! Il est même capable de vendre au client une pratique qu’il ne maîtrise pas ! Mais moi, je ne suis pas faite pour cela. » Martine est persuadée qu’elle est « nulle » en développement commercial. Et Pierre pense que ce n’est pas du tout « son truc ». Tous les deux véhiculent - comme nous tous d’ailleurs - ce que certains appellent des « croyances » sur eux, sur les autres et sur le monde.

Qu’est-ce qu’une croyance ? Souvent inconscientes, les croyances peuvent être positives ou négatives. Elles nous motivent ou nous limitent, justement. Certains emploient les noms de « préjugés » ou encore d’ « illusions ». Ce serait comme une sorte de filtre, un verre correctif qui teinte notre regard sur nous-mêmes, sur l’autre ou sur le monde. « Je suis timide, donc je suis incapable d’aller parler de mon cabinet et de ma pratique à un client ». « Jamais le client ne s’intéressera à moi. Jamais il ne prendra le temps de me recevoir pour que je lui parle si c’est "hors dossier" ». « Je suis trop émotif ou émotive ». « Je vois bien Pascal : il est toujours très bien habillé, la parole facile, il est très à l’aise : lui c’est un vrai commercial ! ». « Nous, les avocats, nous sommes mauvais en développement car nous ne sommes pas des vendeurs de savons ». « Ce n’est pas notre métier ». Sans oublier l’évitement classique : « si vous croyez que j’ai le temps ». Etc.

Toutes ces paroles sont des croyances et pour certaines, elles sont dites « limitantes ». Elles nous empêchent de voir la réalité « telle qu’elle est ». Si tant est qu’il y ait une seule réalité mais cela est un autre sujet. Le premier travail consiste à les identifier, puis à s’en libérer et enfin à se donner des nouvelles « permissions ».

En travaillant avec un coach, Martine découvre qu’en plus de son expertise (commune à bien des confrères), son point fort est dans la qualité de la relation qu’elle a avec ses clients. Elle a un fort taux de fidélisation. Car une autre croyance est de penser que le développement ne consiste qu’à acquérir de nouveaux clients. Ce qui est faux, bien entendu. Aujourd’hui, Martine incite habilement, ses clients à la recommander. Elle ne perd plus de temps dans des associations où plus rien ne se joue depuis des années. Elle cultive davantage sa relation-client en prenant des nouvelles, en conseillant, en questionnant son client, lui présentant des associés d’autres domaines de pratique, etc. Une autre croyance qui « tenait » Martine, était que les investissements de ce type payaient « rapidement ». Or, il se peut que les fruits se voient plusieurs semaines, voire des mois, des années plus tard. Il ne faut donc pas « désespérer », et surtout pas « s’arrêter » parce que les résultats tardent à venir.

Quant à Pierre, il a compris qu’il n’est pas obligé de faire un « numéro de vendeur » pour développer son réseau, ses dossiers. Il a appris à s’appuyer et développer ses talents et points forts. Ce qui lui vient aisément au lieu de dépenser une énergie folle à mettre le costume d’un autre, auquel personne ne croit d’ailleurs. Le temps qu’il passe dans « sa coquille », il le met à profit pour analyser la situation de son client, et travailler sur son plan stratégique.

En conclusion, nous sommes parfois enfermés dans des croyances qui méritent, bien souvent, d’être revisitées.