Focaliser les juristes sur la valeur ajoutée
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1. Identifier tout ce que font les juristes, leur valeur ajoutée et les tâches qui peuvent être réallouées en fonction de la valeur ajoutée nécessaire
- d’une entreprise à l’autre, d’une direction juridique à l’autre, et même d’un département de la fonction juridique à l’autre, les compétences, les ressources, les besoins sont différents. Par conséquent, il est nécessaire de passer en revue, pour chacun des juristes, l’ensemble des tâches qu’il (ou elle) réalise, tant du point de vue contractuel que conseil, administratif, contentieux, droit des sociétés, gestion de la fonction... ;
- pour chacune de ces tâches, identifier la valeur ajoutée apportée par le juriste et identifier les leviers d’optimisation possibles pour libérer le juriste sur ce qui ne correspond pas à de la valeur ajoutée juridique. Les leviers d’optimisation sont : push-down (vers un juriste/paralegal plus junior) ; push-away (vers les opérationnels) ; push-out (vers les avocats) ; pull-in (reprendre ce qui n’était pas fait par le juriste) ; digitize it ; stop it... ;
- cette réflexion permettra aussi ultérieurement au juriste de pouvoir dire « non » à des demandes qui ne relèvent pas de sa compétence ou de sa valeur ajoutée.
2. Définir la proposition de valeur (messages-clés) de la fonction juridique
- définir ce que les juristes souhaitent apporter soit via des ressources internes, soit via des ressources externes, ce qui implique de mesurer la contribution de chacun en termes de valeur, notamment grâce à des indicateurs de performance ;
- d’une entreprise à l’autre, le rôle, la perception et les attentes vis-à-vis du juridique varient : il est donc primordial de valider ce qu’on appelle les "messages-clés" ou le "30-3-30®" (30 secondes, 3 minutes, 30 minutes) ;
- entre business partner et gardien du temple, de nombreux rôles sont assignés aux juristes : sécuriser les relations commerciales, naviguer au milieu des risques procéduriers et opérationnels, développer les contrats, gérer les contentieux… ;
- notons par ailleurs que la valeur ajoutée du juriste est de plus en plus sur… le non-juridique. Ainsi, le juriste participe davantage à l’élaboration de la stratégie, est intégré de plus en plus (ou de devrait l’être) en amont des grands projets stratégiques pour apporter sa vision différente et complémentaire.
3. Démontrer la valeur ajoutée par la fonction juridique au reste de l’entreprise, notamment à la direction générale
- « ce qui se comprend clairement, se valorise clairement » pourrait traduire la nécessité pour le juriste de faire comprendre ce qu’il fait (les messages-clés). Le manque de reconnaissance du travail du juriste et sa valeur ajoutée provient de la méconnaissance de la fonction, de son rôle, des processus en cours dans la réflexion juridique, si bien qu’il est fréquent d’entendre des clients internes se demander pourquoi les juristes prennent autant de temps à répondre à leurs sollicitations. Parce que c’est bien connu, il faut 15 minutes pour revoir un contrat ou alors on peut faire des copier-coller… (NDLR : ironie de l’auteur !).
- pour démonter la valeur ajoutée de la fonction et permettre aux juristes de se focaliser sur cette valeur ajoutée, on peut donc s’appuyer sur de nombreux leviers : communiquer sur les KPIs, communiquer durant les réunions des lignes métiers, organiser des formations, partager au sein même de la direction juridique les mêmes messages pour les porter efficacement vers le reste de l’entreprise…
4. Développer la planification juridique (business et legal planning) pour allouer son temps sur la valeur ajoutée
- planifier l’activité du juriste autant que faire se peut est possible, dans les limites de la visibilité des opérationnels sur leur propre activité mais aussi en fonction de la répétition de certaines missions ou certains dossiers pour le juriste d’entreprise qui permettent d’anticiper son activité ;
- faire un point régulier avec les principaux clients internes (idéalement tous les trimestres) pour identifier les grands projets business à venir. Attention, il ne s’agit pas de faire un point d’avancement sur les dossiers en cours mais véritablement d’avoir une visibilité sur les projets à venir afin de planifier les ressources de la direction juridiques ou le temps du juriste ;
- cette planification doit se matérialiser par un planning annuel reprenant tout ce que le juriste doit faire en termes de : développement de l’offre juridique, de veille et d’innovation, de partage des connaissances, de relations avec les avocats et de relations avec les différentes parties prenantes autres.
5. Piloter la valeur ajoutée au jour le jour (reporting)
- la saisie et le suivi du temps ne constituent clairement pas les passe-temps favoris des juristes. Néanmoins, faits de manière efficace et continue, ils permettent de piloter le temps passé par les juristes au quotidien et surtout d’évaluer la valeur ajoutée qu’ils perçoivent dans leur travail.
- des outils ad hoc doivent permettre idéalement de mesurer quotidiennement par type de dossier, par type d’interlocuteur et par type de travail du juriste (contrat, contentieux, conseil…) : l’enjeu financier et le niveau de valeur ajoutée (forte, moyenne, faible). Ainsi, le directeur juridique et le juriste peuvent corriger si nécessaire la répartition du temps passé et réallouer les ressources sur les projets ;
- par ailleurs, le reporting permet de mesurer des indicateurs de performance (KPIs) qui, in fine, serviront soit à valoriser la fonction, soit à la piloter.
L’organisation du travail du juriste en entreprise est dans une phase de profonde mutation, notamment eu égard aux évolutions technologiques en action et, plus généralement, à l’évolution du rôle et de la perception de la fonction. Pour se focaliser sur la valeur ajoutée, le juriste doit donc renforcer sa capacité à communiquer sur sa fonction et accepter de remettre en question ses modus operandi qui libéreront du temps pour se focaliser sur cette haute valeur ajoutée.