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Avocats et juristes : en 2016, small will be beautiful

Par Chloe Enkaoua
Cet article a été publié dans la LJA 1239 du 11 janvier 2016


Le 12 janvier dernier, le cabinet de recrutement Robert Walters révélait les résultats de la 17e édition de son étude de rémunération mondiale. Parmi les principales tendances qui devraient se dessiner sur le marché juridique français en 2016, la multiplication de nouveaux cabinets d’avocats et un attrait grandissant des juristes pour les start-up.

Promesse tenue. L’an dernier, dans leurs locaux parisiens, les associés du cabinet de recrutement spécialisé Robert Walters assuraient que 2015 serait « une bonne année en termes d’évolution des salaires », et notamment « l’année du rebond en Europe » (lire notre article L’entreprise et les cabinets français séduisent les professionnels du droit, 26 janv. 2015, LJA 1193). En dévoilant il y a quelques jours le bilan de la rémunération des cadres en France et à l’international pour l’année qui vient de s’écouler, ils ont prouvé qu’ils avaient vu juste : la croissance des salaires a été de 2,5 %, contre 1 % en 2014 et 0,2 % en 2013. De même, les recrutements ont enregistré en 2015 une hausse non négligeable de 4 %. « L’emploi cadre se porte mieux, a fait remarquer Antoine Morgaut, CEO Europe et Amérique Latine de Robert Walters. La zone la plus résistante est la zone euro, et en 2016 le marché de l’emploi devrait y être dynamique. »

Droit boursier et compliance
Ce sont bien sûr les experts qui ont le plus profité de ce regain de confiance en 2015, et qui ont pu prétendre à une augmentation de leur salaire fixe de 10 à 15 % dans le cadre d’un changement de poste. Parmi eux, les spécialistes de la recherche clinique, du secteur bancaire, de l’audit interne, du business development, des ressources humaines ou encore des assurances. Dans le domaine juridique et fiscal, en France, c’est le droit boursier qui a tenu le haut du pavé. « Le marché du droit boursier s’internationalise et se complexifie, explique Antoine Morgaut. Au cours de ces trois dernières années, nous avons vu se réaliser un certain nombre d’opérations de fusions-acquisitions qui comportaient beaucoup d’enjeux en droit boursier. » Ses spécialistes ont été chassés de toutes parts en 2015, et pourraient bien devenir « pénuriques » en 2016... Il en va de même pour les experts en compliance, de plus en plus courtisés par des entreprises françaises soucieuses de se mettre à la page et de respecter les normes juridiques face à la multiplication des nouvelles réglementations et des risques de fraude. Autres secteurs juridiques porteurs en entreprise : la concurrence, le droit social, le M&A et le droit fiscal. « Dans ces différents domaines, les entreprises recrutent de plus en plus de candidats venant directement de cabinets d’avocats » , précise Vanessa Sonigo-Rozenbaumas, directrice associée en charge de l’activité Avocats chez Robert Walters. Pour s’équiper, notamment en vue de faire face à l’augmentation des obligations touchant aux secteurs réglementés de la banque, l’assurance et l’automobile, les entreprises n’ont pas hésité à faire gonfler de 6 % le volume d’emploi en 2015 par rapport à 2014. En 2016, victimes de la lourdeur de leur processus de recrutement – trois candidats travaillant dans le domaine juridique et fiscal sur cinq refuseraient une offre suite à un processus de recrutement jugé trop long –, les grandes entreprises devront néanmoins faire face à la recrudescence de juristes se dirigeant plutôt vers les start-up et autres PME plus dynamiques et réactives. Pour y remédier, elles devraient en 2016 ajuster leurs grilles de rémunération.

L’équilibre avant tout
Concernant les cabinets d’avocats français, les recrutements en 2015 ont également largement profité aux spécialistes du droit boursier, mais également à ceux du droit du travail et du corporate. La demande de collaborateurs mid-level dans ces domaines s’est accrue, et leur rémunération devrait en 2016 gonfler de 5 à 10K€ tant dans les cabinets français qu’anglo-saxons, même si les besoins en corporate devraient se tarir cette année une fois les équipes consolidées. La hausse maximale prévisionnelle des rémunérations globales s’élève, pour sa part, à + 5 %. L’étude de rémunération prévoit en outre que les écarts de rétrocession entre les cabinets de premier plan et les autres continuent à se creuser – le salaire annuel dépasse les 500K€ dans les firmes américaines, lorsqu’il peine encore à franchir la barre des 150K€ dans les cabinets français. Mais conformément à la tendance déjà amorcée depuis plusieurs années en France, à savoir la vague de mouvements d’associés et de leurs équipes vers de plus petits cabinets français, le cabinet Robert Walters souligne que la qualité de vie prime désormais sur une solide rémunération. Cela, les cabinets d’avocats l’ont bien compris et accordent aujourd’hui une considération croissante aux leviers de motivation non financiers, comme les perspectives d’évolution, la possibilité de faire du télétravail ou encore un accès facilité à la formation, qui d’après l’étude « pèsent de plus en plus lourd dans la décision des candidats » . « Les avocats travaillent énormément et ont souvent du mal à couper le cordon avec leurs dossiers, même chez eux. Ils ont donc en 2015 souvent recherché un compromis en rejoignant une entreprise ou une plus petite structure, pour une rémunération moindre mais avec l’assurance de gagner en termes de qualité de vie », constate Antoine Morgaut. Ainsi, en 2016, on devrait encore assister à la création de nouvelles structures qui contribueront à rendre le marché des cabinets d’avocats plus dynamique, et leur offre plus variée. « Afin de garder les talents, les plus gros cabinets devront s’adapter » , prévient le CEO.


Chloé Enkaoua

 
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