Digitaliser le processus Droit des sociétés
Matière pas assez reconnue, perçue par certains comme lourde et administrative, le droit des sociétés est pourtant au cœur de la stratégie d’entreprise. La discipline encadre les grands moments de l’aventure sociale, accompagne la croissance de l’entreprise et réunit les instances où sont prises les décisions stratégiques. Les départements Droit des sociétés (dits corporate) sont les gardiens de l’historique de chaque société.
Seulement lorsqu’on pense « amélioration de la performance et efficience » de l’activité juridique, l’attention est très rapidement portée sur les contrats, cœur du business, et sur les nombreuses solutions qui existent pour les digitaliser et les centraliser. Pourtant… l’activité corporate est bel et bien un terrain propice à la dématérialisation et aux quick wins !
Des évolutions législatives à l’appui de la digitalisation
Le droit des sociétés français connait actuellement une petite révolution. Poussé par la digitalisation globale du monde du travail et des métiers juridiques, le législateur a récemment accepté de faire passer un cap à la matière.
La fin de l’année 2019 a été marquée par un décret qui autorise notamment la dématérialisation de certains registres, des procès-verbaux et des décisions des sociétés et qui ouvre le recours à la signature électronique pour certains évènements corporate. Aussi, le contexte très particulier de la crise sanitaire a conduit le législateur à étendre provisoirement des mesures existantes à de nouveaux types de sociétés et à assouplir le cadre légal.
Les outils, de plus en plus nombreux et perfectionnés, permettent désormais de digitaliser l’intégralité du processus corporate.
LES OBJECTIFS
Les objectifs d’un processus corporate partiellement ou totalement digitalisé sont nombreux :
• Sécuriser et assurer la traçabilité de l’historique des opérations de la société ou des groupes de sociétés en dématérialisant la documentation ;
• Centraliser et partager l’information corporate en un lieu unique ;
• Permettre la dématérialisation de la tenue des organes sociaux pour assurer la prise de décision des organes sociaux dans tous contextes ;
• Fluidifier le processus d’approbation des comptes avec toutes les parties prenantes ;
• Gagner du temps et maximiser la performance
Jusqu’ici, la dématérialisation concerne souvent les étapes de suivi des informations administratives des sociétés (fiches sociétés), les alertes automatiques sur la fin des mandats, ou encore la mise à disposition des documents corporate aux membres des instances sur un réseau ou une plateforme sécurisée.
Il est temps d’aller plus loin …
Par quoi commencer ?
• Mettre en place la signature électronique
2020 aura mis en exergue les nombreux avantages de la signature électronique.
Cette solution, désormais parfaitement bordée par les textes , permet largement de moderniser et de fluidifier les processus d’approbation et de signature des documents. Les outils marché sont variés. Chacun est aujourd’hui en mesure de trouver une solution qui correspond à son budget ainsi qu’à ses exigences, plus ou moins importantes quantitativement et plus ou moins rigides en termes de sécurité.
La dynamique professionnelle, déjà favorable à ce type d’outil, tend à s’accélérer. Le décret d’octobre 2019 précité a ouvert une voie pour la documentation corporate. Jusqu’ici, les Directions juridiques se sont beaucoup concentrées sur la signature éléctronique des contrats, il est temps de s’attaquer au périmètre corporate.
• Développer le recours aux outils collaboratifs
Le juriste et les paralégales en charge de la préparation des instances d’un large portefeuille de sociétés produisent une quantité importante de documents ayant pour la plupart le même cadre, compilant des données de divers parties prenantes (Direction financière, mandataires sociaux, Direction des Ressources Humaines, Commissaires aux comptes …). Les saisies sont souvent multiples et avec elles, le risque d’erreur augmente.
La rédaction collaborative est un pas significatif dans l’optimisation du processus car elle permet à chacun de se concentrer sur ce qui concerne son métier et évite les échanges intempestifs de versions entre les parties prenantes. Les outils collaboratifs contribuent à gagner du temps notamment en facilitant le mark-up et le suivi du versionning.
Les solutions actuelles sont nombreuses et ne nécessitent pas toujours un investissement financier important ou un bouleversement des méthodes de travail. L’exploitation des suites Google ou Microsoft 365 permet de collaborer sur un même réseau. Des outils plus spécifiques corporate offrent cette même fonctionnalité.
La collaboration aura évidemment vocation à intégrer toutes les parties prenantes internes à l’organisation. Et toujours dans l’optique d’améliorer l’efficience, les parties prenantes externes (commissaires aux comptes le plus souvent) pourront également y être invitées en bout de chaîne. Un circuit de validation interne et externe peut également être mis en place pour tracer les approbations.
Le choix d’un outil de collaboration est aussi une opportunité à saisir pour clarifier le process et définir qui fait quoi et à quel moment !
• Dématérialiser les registres légaux
Si nombre d’étapes pouvaient d’ores et déjà être digitalisées et optimisées sans avoir recours à des outils spécifiquement corporate, la dématérialisation des registres légaux fait exception. Sont ici visés les registres de mouvements de titres, les comptes d’actionnaires, les registres cotés et paraphés des procès-verbaux des organes sociaux. Cette possibilité est accompagnée par la conversion progressive des greffes de France à la digitalisation et l’acceptation de la télétransmission.
Les outils sur le marché sont aussi flambants neufs ! Et différents types de prestataires se positionnent : certains ont une grande renommée dans les registres papiers et passent au 2.0, d’autres sont spécialistes de la block-chain et s’invitent sur le marché des legaltechs corporate et d’autres encore sont des éditeurs d’outils – corporate ou non – qui étendent leurs offres. Une attention toute particulière doit être portée aux garanties techniques que les prestataires sont en mesure d’apporter et à leur correspondance aux exigences légales. Ici encore, et à la condition sine qua non que toute la sécurité soit assurée, les bénéfices sont nombreux : moins de papier, fini de courir derrière les signatures , bye bye les armoires de registres, moins d’allées et venues au greffe.
Pour aller plus loin…
La génération automatique de documents
C’est l’évolution qui suit la rédaction collaborative et qui permet d’accélérer encore la phase de préparation des instances. Les convocations, les dossiers remis aux membres des organes sociaux, les projets de décisions et d’autres documents encore peuvent être générés automatiquement par des outils. Ces outils savent extraire l’information dans des bases de données déterminées pour alimenter les modèles propres à l’entreprise. Certains de ces outils vont plus loin encore, jusqu’à l’envoi automatique des documents et leur mise à disposition dans des espaces sécurisés.
Reporting / KPI
La définition d’indicateurs de performance et la tenue de reportings, potentiellement automatisables grâce à des outils, permettront de valoriser l’activité corporate trop méconnue : rendre visible le volume de conseils d’administration, d’assemblées générales, d’opérations de haut de bilans traitées…
Les mesures prises pour digitaliser le process auront pour effet d’accélérer les temps de traitement et d’augmenter l’efficience. Les différentes personnes en charge de ce processus pourront ainsi espérer se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.
Le département corporate, bien que peu reconnu, est un département très exposé au top management et autres organes de gouvernance. Digitaliser son processus constitue donc une belle opportunité pour rendre visible et tangible les initiatives d’une Direction Juridique moderne, efficiente et performante.
EN PRATIQUE, COMMENT FAIRE POUR DIGITALISER LE PROCESSUS DROIT DES SOCIETES ?
Il s’agit d’optimiser l’usage des outils à disposition et/ou de savoir en sélectionner de nouveaux lorsqu’un besoin existe. Cela demande au préalable de clarifier les process existants ainsi que les attentes de chacune des parties prenantes.
S’il faut mettre en place de nouveaux outils, les grandes étapes à respecter seront alors les suivantes :
• Définir le process corporate cible digitalisé vs. le process corporate actuel
• Rédiger une expression des besoins ou un cahier des charges
• Recherche un prestataire – via un appel d’offres si nécessaire
• Assister à des démonstrations ou des soutenances
• Sélectionner le prestataire
• Etablir un plan de déploiement avec le prestataire.
Notes :
1- Décret n°2019-1118 du 31 octobre 2019 relatif à la dématérialisation des registres, des procès-verbaux et des décisions des sociétés et des registres comptables de certains commerçants.
2- Notamment par le Règlement (UE) n°910/2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur dit règlement eIDAS applicable depuis le 1er juillet 2016.
3- Le registre dématérialisé impliqué la signature dématérialisée !