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Les avocats et la communication, une histoire en devenir

Par Sabrina Tantin – Consultante communication – Juricommunication

Au cours de ce siècle, les contours de la profession d’avocat ont connu de nombreuses mutations et demeurent en mouvement. Avec la nécessaire apparition de fonctions d’organisation propres aux entreprises, telles que le marketing ou la communication.

Face à l’ouverture des frontières européennes notamment, de nouveaux marchés se sont ouverts aux cabinets et la possibilité de communiquer a vu le jour. L’Ordre des avocats a ainsi dédié un pan des règles déontologiques contenues dans le règlement intérieur national (RIN) à la communication. Et en quelques années, cette institution regroupant en France, au 1er janvier 2011, presque 54 000 avocats - dont 22 133 sont rattachés au barreau de Paris et 31 532 aux 160 barreaux de province - a largement ouvert l’éventail des actions de communication réalisables par et pour les avocats.

Ces mutations sont accompagnées d’une transformation de l’organisation et de la gouvernance au sein des cabinets pour faire face à la concurrence et plus précisément à la crise. La communication – faire savoir le savoir-faire – prend une importance croissante dans la vie et l’organisation des cabinets d’avocats, que ce soit au niveau institutionnel ou individuel.

Il y a 20 ans, la communication et le conseil en communication pour cabinets d’avocats n’existaient pas en France. Alors, que de chemin parcouru pour cette profession qui demeure une profession de notables aux yeux de la majorité de nos concitoyens, malgré son nombre grandissant de praticiens.

Plusieurs outils et projets de communication ont vu le jour au sein des cabinets d’avocats. Les relations presse, l’identité numérique, l’organisation d’événements, l’achat publicitaire, la création de revues, de lettres d’information, de lettres internes ou encore de podcasts notamment, sont des projets que nous avons vus évoluer au sein de cabinets d’avocats d’affaires ces dernières années.

Les avocats ont constaté que la communication, à long terme, pouvait générer une augmentation de leur chiffre d’affaires. De passifs, les avocats sont devenus actifs voire proactifs en matière de communication.

Ils sont donc devenus moins réfractaires, plus ouverts. L’acceptation des relations presse a permis leur développement en interne. Les relations avec les journalistes se sont étendues et assainies, dès lors que les avocats ne les craignaient plus. Au sein des cabinets d’affaires, les relations presse sont passées du statut de « non désirées » au statut d'indispensables !

Le Web, bien que tout récent en cabinet, voit son action grandir à travers la nouvelle génération d’avocats associés âgée de 40 ans en moyenne. Les blogs, les réseaux sociaux accompagnés par une stratégie de communication web sont en plein développement malgré certaines contraintes déontologiques.

Les sociétés de conseil en communication pour cabinets d’avocats ont permis d’assouplir les rapports des avocats à la communication. Et de les accompagner de façon optimale face aux évolutions : ultra médiatisation des affaires judiciaires, disparition de la presse papier au profit de médias web, sponsoring d’événements, actions de pro bono, etc.

Les perspectives d’avenir sont encourageantes pour ce secteur d’activité.

Outre l’ouverture aux outils de communication envisageable à moyen terme (le rapport annuel, l’affichage en télévision, etc.), les esprits créatifs et aventureux pour la profession se développent grâce à une nouvelle génération d’avocats, plus jeune, moins fermée et au fait des nouvelles tendances.

En 2011, on apprenait que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a levé un obstacle de taille en condamnant toute interdiction totale de démarchage pour les professions réglementées. Cette décision de justice impose en effet la suppression de l’interdiction totale des communications commerciales des professions réglementées – hormis pour les notaires, huissiers de justice et professions de santé, qui n’entrent pas dans le champ de la directive « Services » (CJUE, 5 avr. 2011, aff. C-119/09, Sté fiduciaire nationale d'expertise comptable c/min. Budget, Comptes publics et Fonction publique). Selon la CJUE : « interdire tout acte de démarchage, c’est priver les professionnels provenant d’autres États membres d’un moyen efficace de pénétration du marché en cause, et donc restreindre la libre prestation des services transfrontaliers ».

De ces faits et compte tenu de cette ouverture à la concurrence directe par la CJUE, la communication ne peut que se renforcer et se développer plus âprement. L’Ordre et tous les avocats n’auront guère d’autre choix que de s’adapter. Ouvrant la voie à de nouveaux axes de communication.