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Démarchage : loi de la jungle ou clarification salutaire ?

Par Charlotte Vier - Associée fondatrice - Avocom

Ce que nous présentions depuis des années comme « la dernière ligne rouge à ne pas franchir » est bel et bien en voie d’être enterré.

Le démarchage ou « offre de services personnalisée » devrait à la fin du processus législatif encore en cours aujourd’hui, mais qui semble inéluctable, entrer dans les mœurs du barreau français, au grand dam de ceux qui entrevoient déjà la menace de cohortes de robes noires convergeant vers les hôpitaux et scènes de crimes, cartes de visite en main. Fantasmes notamment alimentés par les séries américaines.

Cliché ? Pas tant que cela, car cette imagerie a probablement pesé plus qu’on ne croit et pollué à certains égards, le débat en cours, alors qu’aujourd’hui il s’agit avant tout de se mettre en conformité avec la directive « Services » de 2006 et que cette réforme représente une belle opportunité de clarifier les pratiques et, cela nous est dit par le législateur, de protéger le consommateur.

En effet, le texte visant à autoriser le démarchage figure à l’article 5 ter du projet de loi relatif à la consommation en première lecture (à ce jour) au Sénat.

Rappelons que le Gouvernement a inséré cette disposition à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 5 avril 2011 qui avait condamné la France pour le maintien de l’interdiction du démarchage (CJUE, 5 avr. 2011, aff. C-119/09, Sté fiduciaire nationale d'expertise comptable).

Les avocats ont fait de la résistance craignant de voir s’instaurer une loi de la jungle profitant aux plus forts et aux mieux organisés ou encore aux moins éthiques d’entre eux.

Tant le Conseil national des barreaux (CNB), dans un rapport d’octobre 2012, que le Barreau de Paris se sont montrés prudents sur le sujet et ont rappelé leur attachement viscéral aux principes essentiels de leur profession (dignité, délicatesse, désintéressement et courtoisie pour n’en citer que quelques-uns). Le CNB  a plaidé contre toute forme de démarchage agressif. L’amendement déposé par le Gouvernement lors de l’examen en première  lecture par le Sénat, est rédigé comme suit : « Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, l’avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu’à la sollicitation personnalisée. Toute prestation réalisée à la suite d’une sollicitation personnalisée fait l’objet d’une convention d’honoraires ».

Cette rédaction ne laisse pas tellement de place à l’interprétation, le démarchage n’est plus interdit, l’offre de services personnalisée est autorisée ; CQFD.

Il y aura toujours des indélicats et des maladroits. Globalement depuis que le décret de 1991 et des réformes successives ont petit à petit ouvert la publicité aux avocats, la machine s’est autorégulée et les vrais problèmes viennent plus des « braconniers du droit » que de la profession qui, non sans heurts, hésitations et tiraillements, a fait sa petite révolution culturelle sur le sujet.

Cette nouvelle donne vient démontrer une fois de plus, qu’il est avant tout urgent de mieux informer les avocats, TOUS les avocats, sur les moyens dont ils disposent sur le plan réglementaire pour développer leurs cabinets et de les former ensuite, de manière adaptée à chaque mode d’exercice, sur les réflexes à acquérir pour se servir au mieux de cet arsenal.