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Quand l’action de groupe européenne vient au secours de l’article 700 du CPC

Par Hortense de Roux, associée du cabinet Ashurst

«L’Europe doit devenir le bouclier qui protège les citoyens », voilà comment le rapporteur du Parlement Européen a présenté le dispositif de l’action de groupe européenne. En des temps où la sémantique guerrière est à la mode, il nous semble que l’adoption par le Parlement Européen du projet de Directive relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs le 25 novembre 2020 (ci-après “la directive”) constitue une parfaite occasion de lancer l’offensive Article 700.

Réclamé depuis des décennies, c’est finalement face au DieselGate que les instances européennes ont passé le cap en mettant en place un outil permettant aux consommateurs de tous les États membres de joindre leurs forces pour porter plainte partout en Europe et d’harmoniser le mécanisme de la class action au sein de tous les États membres de l’UE – notamment en introduisant cette procédure au sein des neuf États membres n’en disposant pas.

Les États membres disposeront de deux années afin de transposer la directive. Les conséquences de cette transposition en droit français seront limitées puisque l’esprit du texte n’est pas éloigné du système existant en France mais pourrait déclencher une réforme de la prise en charge des coûts engendrés par une procédure judiciaire.

En effet, comme l’action de groupe mise en place en 2014 en France, la class action européenne prévoit (i) que seules des entités représentatives seront titulaires de l’action (dans des conditions de représentativité définies par la directive), (ii) que l’action sera divisée en deux phases (une phase “responsabilité” destinée à établir la responsabilité de l’entreprise en cause et une phase “indemnisation” relative aux préjudices subis par les consommateurs) et (iii) une approche sectorielle puisque l’action sera ouverte pour les secteurs suivants : services financiers, protection des données, voyages et tourisme, télécommunications, environnement et santé.

En revanche, la transposition de la directive devrait constituer une opportunité d’harmoniser les règles d’indemnisation des dommages qui sont actuellement différentes en fonction des secteurs, ce qui participe de l’illisibilité et du manque d’attractivité du mécanisme actuel (préjudice matériel pour les biens de consommation, préjudice matériel et moral pour les infractions aux RGPD, dommage corporel dans le domaine de la santé, et dommages matériel et corporel en matière environnementale).

Mais l’ajout majeur de la directive résulte de l’affirmation que les frais de procédure peuvent constituer des obstacles financiers. La directive instaure le principe du “perdant-payeur”, selon lequel si l’action est couronnée de succès, l’entité qualifiée ayant initié l’action verra certains frais pris en charge. Ce concept est particulièrement intéressant puisqu’il résoudrait un des freins au développement de l’action de groupe en France, à savoir un modèle économique structurellement déficitaire.

En effet, actuellement, les associations n’ont droit à aucune compensation financière pour l’action qu’elles mènent puisqu’elles ne défendent pas leur propre intérêt. Elles doivent supporter le financement du contentieux. Même si elles bénéficient de subventions, ces ressources ne suffisent pas à couvrir les frais d’avocat engagés pour un contentieux souvent long. Or, ces frais sont rarement remboursés en raison d’une pratique des tribunaux de n’accorder qu’une somme symbolique et forfaitaire au travers du fameux « article 700 ». Les parlementaires français dans le cadre de la mission d’information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe ont clairement souligné ce problème et préconisé une réforme globale du mécanisme de l’article 700 du CPC afin que le juge prenne en compte de manière adéquate le travail fourni par les conseils juridiques.

Cette réforme de l’article 700 du CPC pourrait servir tout type de contentieux, limiter les procédures abusives et aligner la pratique française sur celle des pays voisins. 

Hortense de Roux Ashurst