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Précisions relatives au contentieux et aux modalités de recours au vote électronique en matière d’élections professionnelles

Par Elsa Lederlin, associée, et Arthur Hitier, avocat, Delsol Avocats

Dans un arrêt estampillé FS-P+R+I rendu le 13 janvier 20211, la chambre sociale de la Cour de cassation décide que la contestation du recours au vote électronique relève de la compétence du tribunal judiciaire en dernier ressort et que le recours au vote électronique peut être décidé sans tentative de négociation préalable dès lors qu’aucun délégué syndical n’est désigné au sein de l’entreprise ou du groupe.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation apporte un premier éclairage relatif aux règles de compétence du tribunal judiciaire en matière de contentieux du recours au vote électronique. En l’espèce, l’employeur soutenait que la procédure relevait du contentieux des accords collectifs, ce qui aurait dû conduire le syndicat à interjeter appel de la décision de première instance et non à se pourvoir en cassation. La Cour rejette cet argument tout en admettant dans sa note explicative que la position de l’employeur était défendable. La Haute juridiction avait en effet déjà eu l’occasion de juger que l’accord collectif décidant du principe du recours au vote électronique était un accord de droit commun2. La Cour justifie cette fois sa décision en se fondant sur l’objet de l’accord collectif ou de l’engagement unilatéral décidant du recours au vote électronique. Elle affirme en effet que celui-ci est exclusivement en lien avec l’organisation des élections professionnelles. Dès lors, le contentieux afférent à un tel accord ne saurait être soustrait au « bloc de compétence » confié au tribunal judiciaire en dernier ressort. La Cour effectue ainsi une interprétation extensive de la combinaison des articles L. 2314 et R. 2314-23 du Code du travail.

Par ailleurs, la Cour était saisie de la question de savoir si la formulation des articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du Code du travail imposait à l’employeur, en l’absence de délégué syndical au sein de l’entreprise, d’organiser ou non une négociation « dérogatoire » avant de pouvoir décider unilatéralement de recourir au vote électronique. La Cour répond par la négative et justifie sa position en se fondant sur le caractère subsidiaire des dispositions relatives à la négociation dérogatoire. La Cour précise que dans le cadre du vote électronique, le législateur a expressément prévu un autre mécanisme de subsidiarité, à savoir celui du recours à la décision unilatérale. Par ailleurs, les juges rappellent l’objectif du législateur visant à faciliter l’organisation d’élections professionnelles via le vote électronique, ce qui ne serait pas compatible avec la nécessité de « franchir toutes les étapes que suppose le recours à la négociation dérogatoire […] dans le temps contraint de la préparation des élections professionnelles» 3. Cette décision facilite ainsi le recours au vote électronique pour l’employeur en l’absence de délégué syndical. En temps de Covid, la solution a le mérite de la simplicité et se justifie par le fait que la manière de voter, en présentiel ou via un logiciel, ne constitue pas le cœur de l’opération de vote. Par ailleurs, il est utile de rappeler que les syndicats bénéficient de la possibilité de se manifester à l’occasion de la négociation du protocole d’accord préélectoral. En cela, la solution apportée par la Cour est pragmatique et réaliste. Toutefois, la chambre sociale, qui fonde explicitement sa décision sur l’objectif du législateur en faveur de la promotion du vote électronique, n’a-t-elle pas mis de côté un peu rapidement une autre tendance législative lourde des dernières décennies consistant à privilégier la négociation collective, que celle-ci soit « classique » ou « dérogatoire » ?

Notes : 

1. Cass. soc., 13 janv. 2021, n° 19-23.533.

2. Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 10-27.370.

3. Note explicative.

Elsa Lederlin Arthur Hitier Delsol Avocats