Pourquoi le déconfinement est propice au juridique opérationnel ?
Le juridique opérationnel -legal operations selon la terminologie anglaise- est un outil de management indispensable des directions juridiques d’entreprises qui veulent être plus efficaces et efficientes. L’outil propose d’une part, d’optimiser en interne le personnel, les consultations et le digital, et d’autre part, de rationaliser en externe les risques, les budgets et les prestataires. Il s’agit donc de mieux gérer, en augmentant la performance et réduisant les coûts, six aspects fondamentaux de toute direction juridique de société importante.
Le confinement quasi général qui a touché entre 75 et 80% des Français, avec des pourcentages similaires dans presque tous les autres pays, a forcé un grand nombre de directions juridiques à congeler leurs budgets, tant interne qu’externe : pas de recrutement, ni stagiaires, ni out-sourcing, ni augmentation de salaire, ni recours aux experts externes tels qu’avocats, consultants ou sous-traitants ; pas de médiation, ni contentieux. Certaines entreprises échappent à ce « freeze » total parce qu’elles sont en « première ligne », dans les domaines de la santé, l’alimentaire ou les transports.
Le déconfinement est à l’horizon et la France s’est remise au travail progressivement depuis le 11 mai prochain, différemment selon les départements géographiques, les secteurs d’activités et la résilience locale au Covid-19. Les directions juridiques, déjà très sollicitées et sous pression pour trouver, décrypter et expliquer l’abondante réglementation relative au Covid-19, doivent également administrer les juristes internes et externes, les avis, la technologie, les risques et les budgets. Le juridique opérationnel englobe tout ceci et le déconfinement offre une occasion unique pour mettre en place une nouvelle organisation plus performante et économe.
Maximiser les juristes, les consultations et le digital
L’objectif premier du juridique opérationnel est de maximiser l’efficience de la direction juridique par une optimisation du personnel, des consultations et avis légaux, et de la technologie appliquée au droit en entreprise. L’importance cruciale de ce dernier point a été mise en évidence par le confinement et le télétravail.
Le personnel juridique, du Chief Legal Counsel jusqu’aux paralegals en passant par la multitude de juristes spécialisés en droit des sociétés, propriété intellectuelle, droit des contrats, immobilier, concurrence et pratiques commerciales, droit social, données personnelles, droit fiscal, etc., sont des hommes et des femmes qui constituent la principale source et cause de réussite ou d’échec de la fonction juridique. La qualité des juristes internes et de leur travail est au centre du concept de juridique opérationnel. Le juriste est un spécialiste de son secteur et un généraliste du droit (en ceci il se différencie de l’avocat qui est un spécialiste du droit et généraliste des secteurs). Le juriste connait parfaitement son entreprise et son secteur d’activité, mais il doit par la force des choses être un généraliste qui connait tous les droits : sociétaire, concurrence, social, immobilier, réglementaire, M&A, environnement, etc. Le juridique opérationnel se focalise sur les tâches que les juristes internes exécutent pour s’assurer que celles-ci apportent une valeur ajoutée maximale au business. Sinon, elles doivent être externalisées ou exécutées par des non-juristes.
Les consultations ou avis juridiques sont l’essence même du juridique en entreprise, la raison d’être. Pour maximiser tous les services légaux rendus par les juristes internes, le juridique opérationnel se centre sur la qualité, la rapidité et l’utilité pratique des avis, et plus généralement sur ce que souhaitent et demandent les clients internes. Mettre en parfaite adéquation les services des exécutants -les juristes- avec les attentes des bénéficiaires -les commerciaux, fiscalistes, personnes des RH, et autres clients internes- telle est l’utilité du juridique opérationnel.
Quant à la technologie, c’est bien ici un des domaines principaux où le juridique en entreprise est souvent « à la traine », non seulement par rapport au monde extérieur mais aussi par comparaison avec d’autres départements internes tels que la Finance ou les RH. La crise du Covid-19, avec le confinement et le télétravail, a mis en évidence l’importance de l’utilisation de la technologie pour le juridique. Qu’il s’agisse d’informatique à domicile, sécurité VPN, choix de vidéo-conférence, signature électronique, contract management, RGPD, stockage de données, etc., le juridique doit être à la pointe de la technologie pour assurer et sécuriser la parfaite exécution des services juridiques.
Minimiser les risques, les budgets et les experts
Le deuxième objectif du juridique opérationnel est de minimiser les risques, les budgets et les experts par une meilleure rationalisation de leur choix, utilisation et rémunération. Le risk management est une fonction essentielle et primordiale de toute direction juridique qui doit anticiper, réduire ou éliminer les risques multiples. Le juridique opérationnel se focalise sur l’identification, la sélection et la gestion des risques internes et externes. Qu’il s’agisse des compagnies d’assurance pour la responsabilité civile, commerciale et parfois pénale, ou les risques liés à la santé et sécurité en entreprise et bien sûr le contentieux, le juridique opérationnel assure que les risques soient parfaitement identifiés et couverts, et que les primes d’assurance soient acceptables et négociées à la baisse quand trop élevées.
Quant aux budgets, la direction juridique, comme toute direction en entreprise, se doit de gérer son propre budget -et ne pas déléguer cela à un autre département- et de suivre de très près ses dépenses de gestion au niveau des salaires de son personnel, coûts des avocats, experts et conseils externes, et frais généraux de fonctionnement. Le juridique opérationnel est un outil performant pour les directions juridiques désireuses d’une meilleure main mise sur la gestion des budgets qui impactent directement son fonctionnement, sa réputation en interne et les aléas commerciaux, industriels et financiers de l’entreprise dans son ensemble.
En dernier lieu, les prestataires externes. Ils sont nombreux et variés : avocats, huissiers, agents en propriété intellectuelle et industrielle, conseillers, consultants, etc. La crise du Covid-19 a permis aux directions juridiques d’appuyer sur le bouton « pause ». Au fur et à mesure du prolongement de la crise sanitaire semaine après semaine, les prescripteurs internes ont diminué voire arrêter tous recours aux consultants externes. Lors du déconfinement, le juridique opérationnel servira à identifier la façon la plus adéquate, profitable et économe d’organiser le travail des conseils externes comme support indispensable des juristes internes. Gageons que le déconfinement soit l’occasion pour les juristes de mettre en œuvre une organisation plus efficiente et efficace, sur la base du juridique opérationnel, pour maximiser la performance et minimiser les charges, afin de satisfaire au maximum les clients internes en s’appuyant sur les experts externes.