Les crédits-carbone : le nouvel eldorado du bassin du Congo ?
Afin d’éviter le réchauffement climatique, il est nécessaire de diminuer les émissions de CO2 dans l’atmosphère, d’en extraire le carbone par des procédés industriels ou naturels, ou de compenser les émissions de CO2. Pour les industries qui ne sont pas en mesure techniquement de procéder à une diminution significative de leurs émissions de CO2, les mesures de compensation semblent être une voie prometteuse pour viser la neutralité carbone.
La neutralité carbone vise à obtenir un équilibre parfait entre les émissions de CO2 et les mesures de retrait de CO2 dans l’atmosphère. À ce jour, il existe deux marchés parallèles de compensation carbone : l’un formel liant les États qui y sont parties (protocole de Kyoto) ; l’autre relevant du privé : le marché des compensations volontaires. Contrairement au marché formel, celui des compensations volontaires n’est pas encadré juridiquement et n’est pas régulé par une autorité en tant que telle mais par des agences privées d’homologation.
La participation des acteurs économiques au marché des compensations volontaires est encouragée par la pression des consommateurs et de l’opinion publique. Elle résulte également d’une pression financière, avec la mise en place d’un système de bonus-malus applicable aux conditions d’endettement des entreprises.
Des secteurs très émetteurs de CO2, notamment les secteurs pétroliers ou de l’aviation prennent des engagements importants avec des objectifs zéro net (British Petroleum (BP), Royal Dutch Shell et l’initiative de Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation visant la stabilisation des émissions nettes à partir de 2020).
Dans cet objectif de zéro net, le marché des compensations volontaires revêt toute son importance. Le Rapport des principes pour l’investissement responsable de l’ONU du 26 octobre 2020 prévoit que la valorisation des actifs impliqués dans les projets de compensation carbone liés à la nature pourrait atteindre 1 200 Mds$US d’ici 2050, soit plus que la capitalisation boursière totale des « majors pétroliers » à ce jour.
La forêt du bassin du Congo est le deuxième massif forestier après la forêt amazonienne et s’étend à six pays (Cameroun, Congo Brazzaville, RDC, Gabon, République Centrafricaine, Guinée Équatoriale). Dans un tel contexte, le bassin du Congo représente une source importante de compensation carbone pour les projets liés à la compensation naturelle du CO2 (« nature-based solutions ») mais également un actif important de ces pays dont l’impact carbone est aujourd’hui négatif.
Il est essentiel que ces pays mettent en place un cadre réglementaire clair et standard relatif à la propriété des crédits carbone et que les droits sur le sous-jacent forestier soient sécurisés pendant toute la durée des projets. La demande mondiale va être croissante et la concurrence entre différents États pourrait augmenter en fonction des besoins croissants mondiaux de compensation carbone. Enfin, des modes de financement innovants et dédiés à ce type de projet devraient pouvoir conduire à la mise en place de portefeuille de plusieurs projets afin d’atteindre une taille critique sur les marchés.
À ce jour, le Congo Brazzaville a adopté un nouveau code forestier et les décrets d’application sont en cours de préparation. Le Gabon a adopté une loi sur le développement durable mais cette dernière pourrait être modifiée par la loi sur le climat qui est en cours de préparation.
Face à la preuve scientifique et la prise de conscience des nouvelles générations, il ne fait aucun doute que les projets de compensation carbone vont dans le sens de l’histoire. Dans ce contexte, les États de la sous-région ont un rôle très important à jouer pour la planète, tout en valorisant ces nouveaux actifs. La responsabilité revient aux législateurs de ces pays et aux acteurs internationaux de bâtir le cadre propice à la multiplication de ce type de projet dès aujourd’hui.