L’Autorité de la concurrence confirme et précise les conditions dans lesquelles une tête de réseau peut contrôler la vente en ligne de ses produits
Aux termes de la décision 20-D-20 du 3 décembre 2020, l’Autorité de la concurrence confirme l’interdiction faite au fournisseur de limiter la liberté tarifaire de son distributeur en ligne mais valide en revanche son droit à interdire la revente des produits sur les plateformes en ligne tierces.
La société Dammann Frères est sanctionnée pour avoir limité la liberté tarifaire de ses distributeurs en fixant le prix de vente final des produits vendus en ligne, en particulier via la mise en œuvre des mécanismes suivants :
• la diffusion de prix dits « conseillés » ;
• la surveillance des prix réellement appliqués ; et
• la mise en œuvre de mesures de représailles.
L’Autorité reproche à la société visée d’avoir eu comme objectif d’aligner les prix de tous les sites de vente en ligne des distributeurs commercialisant ses produits sur ceux qu’elle-même pratiquait sur son propre site Internet.
Si l’Autorité fonde sa décision sur un faisceau d’indices, la caractérisation de la pratique de prix imposés repose en l’espèce principalement sur l’analyse des conditions d’exécution des contrats de distribution.
L’Autorité vient ainsi rappeler que l’entreprise doit insuffler des consignes pour que ses contrats soient exécutés dans le respect des règles de concurrence par l’ensemble de ses équipes commerciales et contrôler le respect de ces instructions.
On notera que si la décision Dammann Frères s’inscrit dans la lignée de la pratique décisionnelle de l’Autorité, celle-ci pourrait rapidement évoluer à l’avenir en cas de révision du règlement d’exemption par catégorie des accords verticaux. En effet dans le cadre de la consultation en cours sur cette révision, le bien-fondé de l’interdiction des prix de revente est actuellement discuté1.
Précisions apportées quant au caractère licite de l’interdiction de vente des produits concernés sur les plateformes en ligne tierces
L’Autorité fait preuve de plus d’ouverture vis-à-vis de l’interdiction faite par Dammann Frères à ses distributeurs de revendre leurs produits sur des plateformes tierces, en retenant qu’une telle clause ne constitue pas une restriction caractérisée.
Selon l’Autorité, il n’existe pas de marché spécifique des utilisateurs des plateformes tierces. Dès lors, dans la mesure où les acheteurs en ligne — composés en partie des utilisateurs de plateformes tierces — continuent de pouvoir accéder aux produits en ligne via notamment les sites internet des distributeurs, l’interdiction de vente sur ces plateformes ne constitue pas une restriction de clientèle. Sur ce point, l’Autorité confirme la jurisprudence Coty de la Cour de Justice.
Ensuite, par rapport au schéma d’analyse classique consistant à (i) analyser si la clause litigieuse constitue une restriction de concurrence puis (ii) vérifier si celle-ci peut bénéficier d’une exemption par catégorie, l’Autorité décide de s’économiser une partie de l’analyse. En effet, pour la première fois, l’Autorité considère que l’interdiction des ventes sur les plateformes tierces peut d’emblée bénéficier d’une exemption.
Enfin, l’Autorité valide la portée de l’arrêt Coty qui ne doit pas s’analyser comme un arrêt d’espèce applicable uniquement aux produits de luxe vendus dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, mais comme un arrêt de principe applicable à tous produits et toutes formes de réseaux de distribution. ■