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La Chambre de commerce internationale révise son règlement d’arbitrage

Par Clément Fouchard et Peter Rosher, associés, Reed Smith, Paris

Quelques semaines après l’annonce du nouveau règlement de la London Court of International Arbitration (voir LJA n° 1465), la Chambre de commerce internationale (CCI) a publié le 6 octobre 2020 une nouvelle mouture de son règlement d’arbitrage, applicable aux procédures d’arbitrage engagées à compter du 1er janvier 20211.

Poursuivant l’œuvre des précédentes versions de 2012 et 2017, la révision a pour objectif d’améliorer l’efficacité, la flexibilité et la transparence de la procédure. L’accent est également mis sur une meilleure prise en compte de l’arbitrage multipartite.

Une procédure plus efficace et plus flexible

Actant la nouvelle réalité du contexte sanitaire actuel, le nouveau règlement donne la possibilité au tribunal, après consultation des parties, de tenir les audiences, y compris celles au fond, à distance notamment par vidéoconférence (Art. 26(1)).

Ensuite, la Cour internationale d’arbitrage de la CCI peut, dans des « circonstances exceptionnelles », ne pas tenir compte de la méthode de constitution du tribunal arbitral choisie par les parties « afin d’éviter un risque important d’inégalité de traitement et d’injustice qui pourrait affecter la validité de la sentence » (Art. 12(9)) et désigner elle-même tous les membres du tribunal arbitral2.

Le règlement révisé dispose aussi que dans l’hypothèse où le tribunal a statué infra petita, une sentence additionnelle pourra être rendue à la demande des parties (Art. 36(3))

Le règlement de 2021 élargit également l’application des dispositions relatives à la procédure accélérée aux litiges dont l’enjeu représente un montant de 3 millions $US, contre 2 millions auparavant (Art. 30(2)(a) et Appendice VI art. 1(2)(ii)).

Une procédure plus transparente

Le nouveau règlement impose aux parties, en cas de financement de l’arbitrage par des tiers, de divulguer au Secrétariat l’identité des tiers qui financent la procédure et qui ont un intérêt pécuniaire dans la solution du litige (Art. 11 (7)). Cette communication a pour objet d’identifier l’existence de conflits d’intérêts et ainsi garantir une meilleure efficacité de la sentence.

Sur la même question du conflit d’intérêts, le règlement révisé prévoit spécifiquement le pouvoir du tribunal arbitral d’exclure de la procédure un nouveau conseil afin d’éviter toute situation de conflit d’intérêts (Art. 17(2)).

En matière d’arbitrage fondé sur un traité d’investissement3, sauf accord contraire des parties, il est prévu qu’aucun arbitre ne doit avoir la même nationalité que celle de l’une des parties (Art. 13(6)). Cette nouveauté vise à améliorer la perception de la neutralité du tribunal dans les affaires impliquant des questions d’intérêt général.

Une meilleure prise en compte de l’arbitrage multipartite

Le règlement révisé permet au tribunal d’autoriser l’intervention d’une tierce partie à une procédure arbitrale en cours, après la désignation des arbitres, si le tiers y consent. Pour ce faire, le tribunal prendra en compte les circonstances de l’espèce, et notamment s’il est, prima facie, compétent, le délai dans lequel l’intervention est demandée, les éventuels conflits d’intérêts et les effets de l’intervention sur la procédure d’arbitrage (Art. 7(5)).

Le règlement de 2017 n’indiquait pas clairement si la jonction « en vertu de la même convention d’arbitrage » signifiait que la jonction n’était possible que lorsque toutes les demandes émanaient d’un même contrat contenant la convention d’arbitrage, ou si la jonction en vertu de contrats multiples contenant des conventions d’arbitrage compatibles était également possible. Le règlement révisé clarifie la situation et opte en faveur d’un champ d’application plus large de la consolidation désormais possible lorsque « toutes les demandes d’arbitrage sont présentées en vertu de la ou des mêmes conventions d’arbitrage » (Art.10(b)).

Avec trois révisions de son règlement en moins de 10 ans, la CCI continue dans un marché mondialisé de l’arbitrage de montrer l’exemple en adaptant son règlement aux exigences de son temps et aux besoins de ses utilisateurs.

Notes

1. https://iccwbo.org/dispute-resolution-services/arbitration/rules-of-arbitration/rules-of-arbitration-2021/

2. Cette disposition renforce l’efficacité de la sentence notamment vis-à-vis du principe d’égalité des parties (voir l’arrêt de la Cour de cassation Dutco du 7 janvier 1992).

3. Le règlement révisé stipule également que les dispositions relatives à l’arbitrage d’urgence ne s’appliquent pas en matière d’arbitrage fondé sur un traité d’investissement (art. 29(6)(c)).

Clément Fouchard Peter Rosher Reed Smith LLP Reed Smith