Proptech : le point de vue de Frédéric Augier, directeur du digital, Nexity
Suite à la première édition du Guide du Numérique 1 publié en 2017, le cabinet DLA Piper prolonge la réflexion sur l’évolution de la transformation digitale avec la publication de ce deuxième ouvrage. Cet article en est extrait.
Comment le numérique a-t-il révolutionné le secteur de la construction ?
Dans le secteur de la construction, nous n’en sommes qu’au début de la révolution. Le phénomène est désormais engagé, mais, au fil des années, le secteur a accumulé beaucoup de retard en matière de digitalisation. C’est un secteur notoirement sous-investi en innovation, recherche et développement et digital, et c’est seulement maintenant, avec plusieurs années de décalage avec d’autres secteurs d’activité que commencent à apparaître des outils numériques de pilotage, de collaboration et de simplification de process. Je pense notamment au BIM, à la dématérialisation de documents, aux applications mobiles qui facilitent la réalisation des tâches sur les chantiers ainsi qu’à des solutions plus récentes comme l’Internet des objets (IOT Internet of things), qui permet de rendre les objets communicants et de mieux gérer le fonctionnement des équipements.
En quoi consiste le building information modeling (BIM) ?
Le BIM est la représentation numérique d’un immeuble en trois dimensions, à laquelle s’ajoutent les informations techniques sur les différents équipements de construction. Cette base de données décrit avec une précision industrielle les éléments nécessaires à la conception, à la réalisation et l’exploitation d’un bâtiment. Ces outils sont très transformants car on a désormais la capacité de construire l’immeuble à l’écran, de détecter les anomalies et les incohérences et d’éviter des travaux supplémentaires sur le chantier. En termes de répartition des tâches, cela signifie plus de temps passé sur l’étude et moins de temps d’exécution. La maquette 3D BIM permet aussi d’animer des visites virtuelles très immersives de bureaux et de logements et de renforcer la co-conception avec les clients. Et pour le bon fonctionnement de l’immeuble au quotidien, le BIM incite à développer la maintenance prédictive et permet de gagner du temps dans le diagnostic et la résolution des désordres éventuels. Globalement, le BIM est une opportunité majeure pour réduire les coûts de construction, renforcer le professionnalisme de la filière et in fine transformer la relation client.
De nouveaux métiers ont-ils émergé grâce à ces progrès techniques ?
Du fait de la collaboration plus poussée entre les différents acteurs, naissent des métiers chargés de faire l’interface. Par exemple, celui de BIM manager, chargé de la coordination entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, par exemple pour réaliser la synthèse des maquettes ou des revues de chantier BIM. Il y a aussi le métier d’assistant BIM à la maîtrise d’ouvrage, chargé de rédiger les cahiers des charges BIM. Les métiers traditionnels qui interviennent dans la création et la gestion d’un bâtiment doivent être également capables de travailler sur une maquette BIM. Dans le cadre de la charte de la filière du bâtiment pour la construction numérique, l’objectif est de généraliser le recours au BIM d’ici 2022. C’est un délai à la fois ambitieux et réaliste. Les freins à la numérisation que j’identifie, c’est en premier lieu le manque de standardisation technique, parce que chacun travaille avec des logiciels et des maquettes qui lui sont propres qu’il faut convertir ou compiler, ainsi que le manque de règles relatives à la responsabilité des acteurs sur ces nouveaux outils. Mais surtout, l’ampleur de la transformation exige une mise à niveau de toute la filière, de la grande entreprise au petit artisan, afin de pouvoir travailler sur une plateforme commune. Or, il faut du temps pour se familiariser avec les méthodes de travail digitales.