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Juristes syriens : derrière l'exil, des compétences à mettre au profit des entreprises

Par Laurence Garnerie
Lubana Abdou, ancienne directrice juridique de la bourse de Damas, et Nathalie Debeir, directrice juridique d'Adisseo.

Ce 26 janvier 2016, ils sont neuf jeunes juristes syriens à avoir répondu à l'invitation du cabinet Oxygen+, dirigé par Stéphane Lefer, et du Cercle Montesquieu. Ces derniers ont en effet organisé une rencontre sur le thème "Être juristes syriens aujourd'hui en France" à l'espace collaboratif le Remix, dans le 10e arrondissement de Paris. Objectifs : aider ces jeunes expatriés, mais aussi démontrer aux directeurs juridiques français qu'ils peuvent se révéler une source de richesse et un vivier de compétences.

Âgés de 23 à 34 ans, Leen, Gamal, Majd, Lubana, Hani, Ayham, Tarek, Rana et Alkilani sont pour la plupart diplômés en droit de l'université de Damas (un seul d'entre eux est passé par l'université d'Alep). Certains sont en France depuis 6 ans, d'autres depuis 4 mois. Quelques-uns ont choisi de témoigner ce soir-là. À tour de rôle, ils racontent donc leurs premiers pas dans la vie active en Syrie en tant qu'avocats ou juristes, la découverte d'un système vicié, les espoirs nés en 2011 au moment du printemps arabe, l'incrédulité face à la montée des tensions, puis les violences, les explosions, les tirs, les disparitions de proches, voire la prison... et la décision de partir, munis d'un visa étudiant ou aidés par l'Ambassade de France, pour s'assurer un avenir, à eux ou à leurs familles, loin de leur pays en ruines. Pourquoi rejoindre la France ? Notamment en raison des similitudes entre le droit français et le droit syrien, de tradition civiliste en matière commerciale par exemple, qui permet de faciliter la reconnaissance des diplômes et d'envisager la reprise d'une carrière. Mais une fois arrivés dans l'Hexagone, les voilà confrontés à de nouveaux obstacles : la solitude, le barrage de la langue malgré l'apprentissage à l'école, la complexité administrative, la difficulté à trouver des stages pour se mettre à niveau avec un CV surdimensionné... Puis s'ouvrent enfin les premières portes.

De la bourse de Damas à la bourse de Shangaï
En 2015, Lubana Abdou, 34 ans, ancienne directrice juridique de la bourse de Damas à la création de laquelle elle a participé, intègre ainsi Oxygen+, dont l'une des offres consiste à fournir des prestations juridiques en entreprise. Avec elle, Stéphane Lefer a trouvé la candidate idéale pour répondre aux besoins spécifiques d'Adisseo, filiale de China National Bluestar, dans le cadre de son introduction à la bourse de Shangaï. C'est une première pour une société internationale et la directrice juridique, Nathalie Debeir, cherche donc un juriste ayant une compétence boursière, mais également doté d'un "regard différent" et "capable d'imaginer de nouveaux schémas" . La collaboration se révèle fructueuse. Au point que Nathalie Debeir prend la décision d'embaucher Lubana Abdou début 2016. "Pour ses compétences" , tient-elle à préciser.

Expertise en télécoms
Même exigence pour Hani Almashnouk, 33 ans, qui travaillait précédemment au sein de la direction juridique de l'opérateur Syriatel. Être arabophone, avec une bonne connaissance régionale et spécialiste des télécoms, voilà qui vaut de l'or dans un monde des affaires qui a les yeux rivés sur l'Afrique et le Moyen Orient pour investir dans les infrastructures. Directeur juridique EMEA d'Orange, Alban Lo Gatto ne s'y est pas trompé, lorsque le directeur juridique du groupe, Nicolas Guérin, lui fait passer le CV transmis par Stéphane Lefer. Alors qu'Hani Almashnouk achève un LL.M anglo-américain Business Law à l'université Paris Descartes, il passe plusieurs entretiens chez l'opérateur français. Avec succès puisqu'il prendra son nouveau poste le 1er février prochain. "Il n'était pas question pour moi de recruter autre chose qu'un juriste à part entière, précise Alban Lo Gatto. Hani Almashnouk a suivi un processus de recrutement avec une fiche de poste à laquelle il a été capable de répondre. Nous avons un réflexe de solidarité mais nous comblons aussi un besoin économique" . De quoi inciter d'autres directeurs juridiques à tenter leur chance avec ceux qui attendent de pouvoir démarrer un nouveau parcours en France, ou à pousser certaines candidatures auprès de leur réseau.


Laurence Garnerie
juristes d'entreprise Cercle Montesquieu réfugiés Syrie