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La clientèle des cabinets en déclin : l’avènement des Lean Law Firm

Par Par Louis Gaillot, fondateur d’Ourama

À l’image des autres secteurs, l’avocat-conseil traverse une période difficile. Une image parlante : un avocat sur deux touche moins de 30 000 euros dans le département de lEssonne. Ce constat se généralise sur tout le territoire et Paris n’est pas en reste.

Concurrencés par des legaltech boostées à l’intelligence artificielle et tiraillés par la conjoncture économique actuelle, les clients historiques des cabinets sont devenus plus soucieux des sommes déboursées et des économies qu’ils peuvent réaliser.

Pourtant, en parallèle, de nouvelles boutiques se fondent, récupérant des parts de marché auparavant inaccessibles. La fraîcheur de ces cabinets, souvent positionnés sur des domaines d’intervention et des secteurs spécifiques, devient une évidence pour une clientèle fatiguée du manque de transparence des procédures et des lourdes facturations de leur prestataire habituel.

Comment ces nouveaux entrants peuvent-ils prétendre à des croissances annuelles à deux voire trois chiffres tout en restant concurrentiels ? En ouvrant un livre poussiéreux trop longtemps resté dans le tiroir : le marketing.

De la discrétion au build in public

L’opacité des cabinets et les règles déontologiques qui incombent aux avocats ont mené ces derniers à une communication silencieuse et discrète. Alors même que le Conseil national des barreaux a allégé ces normes en 2020, la communication de la majorité des cabinets se résume toujours à quelques communiqués de presse, deux ou trois articles publiés dans des revues spécialisées et la photo du pot annuel.

Mais à l’heure où l’entrepreneuriat s’humanise, les « nouveaux associés » prennent le pli d’une communication, plus accessible et compréhensible, facilitant ainsi l'accès à des opportunités jusqu'à présent hors de portée. Ils partagent leur savoir sur différents réseaux comme LinkedIn ou Instagram, aux yeux des dirigeants d’aujourd’hui et de demain, jusqu'à se faire appeler pour un premier service.

Ils partagent leur quotidien d’avocats, racontent de manière anonyme les scénarios improbables qu’ils rencontrent. Sans se vendre, ils incitent les intéressés à prendre contact avec eux. Ils développent des machines marketing bien huilées et s’arment d’outils degestion semi-automatisés que seules les start-up utilisaient jusqu’alors. Ils essayent, ils ratent, ils améliorent, ils recommencent. Ils itèrent avec peu de moyens jusqu’à trouver la bonne recette d’acquisition et de fidélisation client. Ils lancent de nouvelles offres, attaquent de nouveaux secteurs. C’est en ce sens que l’on parle de Lean Law Firm - (de l'anglais lean, « maigre », « sans gras », « dégraissé ») .

Concept inspiré par l’ouvrage Lean Start-up, best-sellers et au chevet de tous les entrepreneurs de la Vallée, qu’on peut résumer par la validation d’une idée par sa rapide confrontation au marché, afin de minimiser l’investissement de départ. La Lean Law Firm applique ce principe au modèle du cabinet d'avocats

Ainsi, au plus proche de leur marché, ces nouveaux avocats bâtissent une légitimité à une vitesse que seul Internet permet aujourd’hui. Et cela, sans avoir à serrer la main à tous les VCs et entrepreneurs lors d’afterwork interminables. Ils lancent leurs propres plateformes de contenus, podcasts, articles spécialisés, parfois soutenus par les journalistes business qui observent cette escalade en direct.

Enfin, ils s’arment d’outils de productivité pour optimiser les processus d’acquisition, de vente et de production qui leur permettent de gagner du temps et ainsi de réduire certains coûts fixes. Combien de grands cabinets n’ont pas encore implanté de CRM ? Combien savent concrètement l’utiliser ? La démocratisation de ces outils, eux aussi boostés à l’IA, s’intègre désormais dans le quotidien des avocats entrepreneurs.

La confraternité au cœur des projets

Lorsque les cabinets généralistes traditionnels proposent un accompagnement global, ces nouvelles boutiques ont à cœur de travailler en collaboration avec leurs confrères. En effet, valoriser l’expertise de confrères sur des domaines spécifiques constitue un avantage concurrentiel.

Ces avocats font ainsi renaître le sentiment de confraternité et développent un écosystème de prescription par la sous-traitance partielle des dossiers. Autrefois confrontés, ils sont désormais complémentaires.

Alors, les grands cabinets s’arment, à grand coup de formation, mais l’agilité des petits est toujours difficile à suivre. Quand certains se posent enfin la question d’user des nouveaux outils d’intelligence artificielle, les autres sont les bêta-testeurs des dernières nouveautés du marché. La vitesse de l’innovation devient alors difficile à suivre pour ceux dont les processus d’acquisition et de production sont historiques.