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Marc Mossé, plusieurs vies en une

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES

Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires Magazine n°57

Le directeur juridique et affaires publiques de Microsoft Europe a été nommé président de l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE), succédant ainsi à Stéphanie Fougou. L’homme, qui mène de front plusieurs vies, nous a raconté son parcours et son intérêt soutenu pour la chose publique, qui a toujours guidé sa carrière.

«Déjà, à l’adolescence, j’étais intéressé par les affaires publiques et la justice », révèle-t-il. Marc Mossé a grandi à Paris, dans un HLM de la Porte Brancion. « Mon père a fait un peu de tout, il a été comptable en interim, fonctionnaire… Et ma mère travaillait dans une compagnie d’assurances. » Aucun juriste au sein de la famille proche, mais un cousin, du côté paternel, Marcel Crémieux, qui enseignait la responsabilité civile à la faculté d’Aix-en-Provence. Sa famille paternelle, originaire de Provence, a été marquée par la Seconde Guerre mondiale. Le jeune homme qu’il est alors se passionne pour les questions touchant aux libertés publiques et aux droits fondamentaux. « Dans ma famille, il n’y avait pas de plan de carrière pour les enfants. » Après un bac B, c’est tout naturellement qu’il passe le périphérique pour s’inscrire à la faculté Paris V - René Descartes, à Malakoff. « C’était à deux pas de chez moi, c’était tellement commode ! » Un hasard de circonstances, guidé par sa sensibilité. Dans l’établissement à taille humaine, qui, avec ses bâtiments en brique rouges fait un peu penser à un campus anglo-saxon, Marc Mossé joue au tennis, et savoure, en saison, les fruits des cerisiers du campus. Il n’oublie pas de mener ses études, regrettant cependant de devoir choisir entre le droit privé et le droit public. « La segmentation est trop nette. » C’est pour ce dernier qu’il penche, par goût de la chose publique, et obtient un DEA, toujours à Paris V. Il entreprend, pour compléter sa formation, de passer un second DEA à Paris I cette fois, de droit européen. Dans le droit public, il essaye, à chaque fois, de retrouver ce goût de l’intérêt général qui le meut. Ainsi, le droit constitutionnel est-il intimement lié à la protection des droits fondamentaux et le droit de la concurrence participe-t-il de l’équilibre économique et de l’intérêt général. Marc Mossé estime d’ailleurs que l’enseignement d’introduction au droit, qu’il a d’ailleurs dispensé en qualité de vacataire à l’université porte en lui, de par sa transversalité, ces correspondances entre l’intérêt privé et l’intérêt public. « Il faudrait reprendre ce cours plus tard dans le cursus, car il y a là beaucoup de choses essentielles », estime-t-il.

La robe et l’hémicycle

Marc Mossé prête serment au barreau de Paris et devient collaborateur au sein de plusieurs études d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Il sera même deuxième secrétaire de la conférence. Du travail très spécifique de rédaction des mémoires devant le Conseil d’État et la Cour de cassation, il dit qu’il est très formateur intellectuellement.

« Nous travaillons sur des sujets qui conduisent à avoir une vision très stratégique et un raisonnement très rigoureux », estime-t-il. Voir plus grand, toujours. Le seul aspect qui le conduira à réorienter sa carrière, c’est ce côté un peu frustrant : « Nous sommes en bout de chaîne et il manque parfois la patte humaine dans notre travail », regrette-t-il.

David Gaschinard, aujourd’hui avocat aux Conseils, était premier secrétaire de la Conférence. Il raconte : « C’est quelqu’un de mobile intellectuellement, de curieux et d’agile. » Une formidable opportunité se présente un jour, « un coup de chance phénoménal ». Un ami lui dit que Robert Badinter, alors sénateur, recherche un collaborateur parlementaire. Sans trop y croire, il donne ses coordonnées. Nous sommes en 1995. « Je m’en souviens comme si c’était hier. La veille, je l’avais vu dans l’émission 7/7, d’Anne Sinclair. En l’écoutant, je m’étais dit que le poste n’était pas pour moi, que c’était trop beau. Et le lendemain, c’était un lundi, à 10 heures, Robert Badinter m’a appelé. Je suis allé chez lui dans la semaine et lorsque j’attendais, son rendez-vous précédent est sorti. C’était Pierre Truche ! [Haut magistrat qui sera notamment Premier président de la Cour de cassation de 1996 à 1999, NDLR.] J’étais très impressionné. » Marc Mossé surmonte son appréhension et rencontre le sénateur. Il qualifie le moment de magique. Tout sauf un entretien d’embauche. Il devient le collaborateur de Robert Badinter. Une période passionnante, au cours de laquelle il apprend beaucoup sur le droit. « J’ai notamment travaillé sur des sujets aussi passionnants que la Cour pénale internationale, le Traité de Rome et surtout, j’ai pu m’investir dans les recours en révision au Conseil constitutionnel. » Il se souvient aussi avoir participé à l’ouverture d’un recours individuel devant la CEDH pour les citoyens français. Heureux de pouvoir témoigner de cette période, Robert Badinter révèle qu’il a beaucoup d’amitié pour son ancien collaborateur et une grande confiance en lui. « Il a une intelligence du droit qui dépasse les données actuelles pour anticiper les changements à venir. Il a le sens du droit, mais aussi le sens de la Cité », note-t-il, mentionnant en outre ses qualités humaines et son intérêt pour le débat politique, « notamment au niveau local, car il s’intéresse à la vie des gens ». Mais, comme le dit Marc Mossé, il y a mille manières de travailler la chose publique.

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L’entreprise

En l’an 2000, il rejoint August & Debouzy comme avocat en charge du droit public et du droit réglementaire. Il s’occupe, concrètement, des questions relatives au lobbying, au risque et à la sécurité. Des questions qui se font sans cesse plus nombreuses et plus pressantes en raison de l’évolution des nouvelles technologies. Il apprend, sur le tas, les matières qui sont liées à cette nouvelle donne technologique : PI et NTIC. Il reste cinq ans au sein du cabinet parisien avant qu’un ancien client du cabinet ne lui fasse une proposition. C’est le cigarettier Philip Morris. « J’ai beaucoup réfléchi, mais on me proposait quelque chose qui ne heurtait pas mon éthique : comment adapter le comportement de l’entreprise aux enjeux de santé publique. » Dans le cadre de cette approche, qui ne s’appelle pas encore la compliance, il travaille sur la conformité à l’interdiction de fumer dans les lieux publics, la limite d’âge, la fiscalité du tabac, la contrefaçon et la contrebande. « Je suis parti du principe qu’à partir du moment où ce produit dangereux était légal, il fallait le vendre de façon responsable et les juristes étaient en mesure de fixer les lignes de crête à ne pas dépasser. » Pour lui, les hommes de droit sont les plus à même de concilier les principes et les difficultés ainsi que d’appréhender des solutions.

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Après trois années chez Philip Morris, c’est Microsoft, autre client d’August & Debouzy, qui le sollicite en 2006, pour des sujets sur lesquels il a beaucoup travaillé. C’est ainsi qu’il prend la tête du département juridique, affaires publiques et citizenship de la filiale française de l’entreprise américaine. Compte tenu de ce domaine d’activité, le département juridique est très en avance sur les autres. « Chez Microsoft, il y avait déjà une approche globale. Dans le département, on faisait du droit, des affaires publiques et ce que l’on appelle aujourd’hui la RSE. Cette modernité conciliait tout ce qui me passionnait. » Outre cette transversalité des matières, le département avait également une culture de l’approche collaborative dans la façon de travailler, notamment en ce qui concernait les nouvelles technologies, très intégrées dans l’entreprise. Et il y a douze ans déjà, le département juridique/affaires publiques était, chez Microsoft, un véritable business partner, capable de contribuer à la stratégie de la société. « Les juristes sont devenus l’un des moteurs de la décision en entreprise. Or, le secteur juridique, qui a su prendre à bras le corps les questions d’innovation et de responsabilité est véritablement au cœur de la quatrième révolution industrielle, car le droit charrie des questionnements majeurs qui interpellent la société. » Et Marc Mossé de rappeler les récurrentes discussions sur la loi Pacte, qui parachève l’intégration des questions relatives à la responsabilité sociale et sociétale dans la stratégie d’entreprise. Il indique que dans son entreprise, un comité d’éthique spécial a été mis en place pour réfléchir à des solutions liées aux questions nées de l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA). « Avant même que ces questions soient tranchées par le législateur ou par le régulateur, nous réfléchissons à  la mise en œuvre de principes éthiques. » Il est un fervent défenseur de la soft law, complémentaire de la hard law.

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Le juriste augmenté et la transformation

Pour Marc Mossé, il est essentiel que la communauté des juristes s’approprie la technologie qui l’aidera à devenir un juriste augmenté. « Il faut s’approprier la machine, comprendre sa grammaire, avoir des rudiments de code et être capable de déceler les biais. » Des juristes codeurs ? Il y en aura. Il y aura des juristes ingénieurs et des juristes développeurs. Et beaucoup, la majorité sans doute, ne le seront pas. Dans ce cadre doit être menée une réflexion sur la formation des juristes. La question technologique, qui doit être abordée à tous les stades de la formation, tant initiale que continue, sous-tend en réalité la réflexion relative à la valeur ajoutée du juriste. C’est un point crucial et un engagement fort de l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE). « Tout le monde sera très heureux si les tâches répétitives et ennuyeuses sont réalisées par une machine permettant aux juristes de se concentrer sur d’autres tâches plus stratégiques ou à plus haute valeur ajoutée ou de libérer du temps pour leur vie personnelle. »

Le terme de transformation « digitale », lui, paraît cependant sous-dimensionné, car la métamorphose des entreprises n’est pas seulement technologique. Il revient d’ailleurs sur ses trois dimensions qui sont l’évolution du business model, la transformation de l’entreprise et la transformation de la relation client. Au-delà des outils technologiques, il faut donc réfléchir à d’autres conséquences, comme les mobilités internes, ou encore l’interaction avec les clients, exemples parmi d’autres. Ne pas avoir peur du changement, mais l’appréhender. Marc Mossé, qui surfe à ses heures perdues, a cette métaphore : « Don’t stop the wave, but learn to surf it » (Ne stoppez pas la vague, mais apprenez à la surfer).

Alors qu’il s’apprête, au mois de janvier prochain, à prendre la tête de l’AFJE, cet hyperactif, qui vit la moitié de la semaine à Meudon – où il est élu municipal – avec son épouse et leurs deux enfants et l’autre moitié à Bruxelles, a été accepté au cours Florent, en Belgique. Il assouvit ainsi sa passion pour la belle langue et le théâtre et qui lui donne, une fois de plus, l’occasion de vérifier l’importance du travail en équipe. « Individuellement, nous ne sommes rien. » Et il pense sincèrement, en soulignant l’admirable travail des équipes de l’AFJE, que c’est le cas dans une troupe comme dans la vie professionnelle. Il répète actuellement la pièce de Berthold Brecht, L’irrésistible ascension d’Arturo Ui, qui a une résonance particulière en ce moment en Europe. Comme pour exorciser cette propension des pays européens à se replier sur eux, l’AFJE vient d’ailleurs d’ouvrir une antenne à deux pas du Parlement de l’UE.

L’ouverture vers l’Europe, Marc Mossé veut en faire une des lignes directrices de son mandat, qui débutera en janvier, après la tenue de l’assemblée générale de l’AFJE. C’est, selon lui, un vecteur de rassemblement des professions du droit qui ont entre elles davantage de points de convergences que de différences. L’ancrage européen est aussi un moyen de questionner l’organisation des professions du droit en France. Qu’en est-il en effet de l’absence de legal privilege conféré aux juristes, alors qu’il existe dans plusieurs autres pays de l’Union ? C’est également l’un des chevaux de bataille de l’association. « Juriste et avocat ne sont pas des métiers différents, mais des fonctions différentes. Je n’arrive pas à le voir de manière segmentée et il y a pour moi mille manières d’être avocat ! » Alors que la deuxième édition du Grenelle de Droit s’est tenue il y a quelques jours, il rappelle que l’union des professions du droit va « dans le sens de l’histoire », car le besoin de droit dans nos sociétés va grandissant, tandis que de nouveaux champs s’ouvrent : compliance, conformité, devoir de vigilance, cybersécurité, protection des données, etc. Dans cette perspective, l’AFJE se donne pour mission de préparer le juriste de demain, métier qui sera un rouage essentiel de notre société. Le juriste sera un producteur de sens et tout le monde en aura besoin, juge-t-il, estimant que l’intelligence artificielle, plutôt que de le faire disparaître, va au contraire le libérer des tâches bureaucratiques et lui permettre de laisser parler sa créativité. « La norme donne une règle et un rythme, au juriste de créer l’harmonie. C’est l’un des métiers les plus passionnants que je connaisse. ».

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