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Occupation du domaine public et terrasses parisiennes : prolongation de l’open bar.

Par Mathieu Da Silva et Théo Armbruster, Avocats collaborateurs Équipe Droit public/Projets DLA Piper

La situation exceptionnelle frappant les professionnels de la restauration conduit les pouvoirs publics à tenter de trouver des solutions pour autoriser la réouverture des bars, cafés et restaurants en limitant les risques de reprise de la pandémie. Principales victimes de la crise sanitaire, ceux-ci se voient ainsi offrir la possibilité par certaines communes, dont la ville de Paris, d’étendre temporairement leurs terrasses sur le domaine public.

La légalité de cette dérogation aux règles générales d’occupation du domaine public questionne néanmoins.

Le principe de l’encadrement de l’occupation du domaine public

En effet, l’occupation du domaine public, si elle dépasse le droit d’usage qui appartient à tous, est soumise à l’obtention d’un titre d’occupation qui, rappelons-le est précaire, révocable et temporaire (articles L. 2122-1 à L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques, le “CGPPP”). Plus encore, lorsque cette occupation est réalisée en vue d’une exploitation économique, une procédure de sélection préalable doit être organisée par le gestionnaire du domaine public.

Dans certaines hypothèses limitativement énumérées au CGPPP, une personne publique peut attribuer une telle autorisation sans procédure de sélection préalable. Une telle dérogation bénéficie généralement aux exploitants des bars, cafés et restaurants pour des raisons évidentes tenant aux caractéristiques particulières des dépendances (puisqu’il ne saurait être question de mettre en concurrence un restaurateur pour l’exploitation de la terrasse attenante à son établissement).

Il résulte de ces règles, que l’occupation privative du domaine public requiert en tout état de cause une autorisation expresse, qu’elle soit unilatérale ou contractuelle. C’est la raison pour laquelle les exploitants de bars, cafés et restaurants sont, d’ordinaire, tenus d’obtenir un titre exprès, et classiquement écrit, afin d’implanter leur terrasse sur le domaine public.

Le contexte de la mise en place de règles dérogatoires

Compte-tenu de la circulation variable de la COVID-19 selon les départements, les exploitants situés en zones alors dites « orange », s’étaient sont vus interdire l’accueil de leurs clients à l’intérieur de leur établissement alors que d’autresavait pu continuer à les accueillir dans des conditions restreintes.

Au regard de cette situation d’exception, et de son classement en zone orange jusqu’au 14 juin 2020[1], la ville de Paris avait, par une communication en date du 1er juin 2020, informé les exploitants de bars, cafés et restaurants, qu’à compter du lendemain et ce jusqu’au 30 septembre prochain, elle mettait en place « un système déclaratif d’installation de nouvelles terrasses ».  Ce dispositif a été récemment prolongé jusqu’en juin 2021.

Or, cette dérogation interroge sur la possibilité pour le gestionnaire du domaine public d’autoriser l’occupation de son domaine à des fins économiques au terme d’une simple procédure déclarative. En effet, même si cette dernière pourrait être regardée comme conduisant à la délivrance d’un titre d’occupation, il n’est pas certain qu’un contrôle uniquement a posteriori des conditions d’occupation du domaine soit conforme à l'esprit de la loi. L’exigence d’un titre d’occupation implique effectivement en filigrane de s’assurer en amont de l’occupation du domaine public que celle-ci s’effectue conformément à son « affectation à l'utilité publique » (article L.2121-1 du CGPPP).

Le mystérieux fondement du régime dérogatoire posé par la Ville de Paris

Le fondement de cette dérogation interroge à plusieurs égards.

i) Tout d’abord, et à titre préliminaire, relevons d’emblée qu’aucune disposition législative ne prévoit de dérogation à ce régime alors que toute occupation du domaine public parisien via une terrasse doit s’inscrire dans le respect des règles du CGPPP sus rappelées[2] « sauf dérogations législatives contraires » (article L.2122-1-1 du CGPPP).

Précisons que dans le respect de la hiérarchie des normes, une telle dérogation ne peut résulter que d’une loi ou d’une ordonnance législative, mais certainement pas d’un seul décret et encore moins d’une communication d’une municipalité. A ce titre, aussi bien l’ordonnance n°319-2020 consacrée aux contrats publics que la loi d’habilitation du 23 mars 2020 ne prévoient de dérogation de cet ordre au CGPPP.

Pourtant, la ville, contactée à ce sujet, indique que ce régime dérogatoire est fondé sur le décret n°2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de COVID-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Soit dit en passant, l’opportunité d’une telle dérogation peut être débattue depuis que les clients des établissements parisiens ont la possibilité d’être de nouveau accueillis dans le respect des règles sanitaires depuis le 15 juin 2020.

Mais surtout, disons le dès à présent, le décret sur lequel se fonde la ville ne comporte aucune possibilité de déroger aux règles d’occupation du domaine public rappelées précédemment. Tout au plus l’article 40 du décret du 31 mai 2020 autorise-t-il l’accueil des clients dans des conditions strictes.

En substance, il ressort donc de ces dispositions que les règles encadrant l’exercice de certains établissements recevant du public sont adaptées afin de permettre le respect des gestes barrières, sans qu’elles ne viennent déroger aux règles générales d’occupation du domaine public.

ii) Ensuite, la ville de Paris a, par une délibération du 18 mai 2020, mis en place une exonération des redevances au titre de l’occupation du domaine public sans que cette mesure n’emporte davantage le droit d’occuper le domaine public en s’émancipant du régime général posé par le CGPPP.

iii) Enfin, la théorie des circonstances exceptionnelles mobilisée pour justifier des dérogations à certaines règles de procédure ou de fond ne permet pas davantage de les valider, dans la mesure où d’une part, elles ne répondent pas à l’objectif de sécurité sanitaire et d’autre part et surtout, sont sans lien de nécessité avec la crise sanitaire.

Un simple régime déclaratif de l’occupation du domaine public

La procédure de déclaration mise en place repose sur la seule confiance accordée au déclarant. L’exploitant du bar, café ou restaurant peut implanter sa terrasse après avoir renseigné le formulaire de demande mis en place et après s’être engagé à respecter une charte, comportant un certain nombre d’engagements parfois très précis (horaires d’ouvertures des terrasses entre 8h et 22h, respect des règles sanitaires, établissement d’un plan de table , sécurité des clients par rapport à la circulation automobile, respect de distances pour la circulation sur le trottoir etc.).

Il n’en demeure pas moins que cette simple charte dont l’objectif serait d’encadrer une utilisation du domaine excédant le « droit d'usage qui appartient à tous » (selon les termes de l’article L.2122-1 du CGPPP) interroge sur sa réelle capacité à fournir les mêmes garanties qu’un régime d’autorisation préalable classique.

Certes, le détail des engagements consentis par les commerçants figurant sur la communication de la ville de Paris prévoit un système de contrôle avec contraventions mais les doutes exprimés plus haut sur les fondements de ce régime dérogatoire et coercitif rendent perplexe quant à son efficacité et à sa légalité.

Bienvenues pour de nombreux parisiens aux heures heureuses, ces terrasses d’exception - elles-mêmes limitées dans le temps et à prix (plus que) cassés - ne paraissent donc pas totalement respectueuses du régime de protection du domaine public. Dans ce contexte, il ne paraît pas exclu que ce régime dérogatoire puisse être remis en cause par son (introuvable) fondement à l'occasion d'un recours en excès de pouvoir formé devant le juge administratif, qui peut être dirigé contre des actes dits de droit souple[3].

Ainsi, afin d'assurer la reprise de l'activité du secteur de la restauration, on ne pourrait qu'inviter le législateur, ou le pouvoir réglementaire dûment habilité, à intervenir pour clarifier et donc sécuriser la situation des professionnels dont la survie pourrait être en partie liée à cette dérogation.


[1] Décret n° 2020-724 du 14 juin 2020 modifiant le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire

[2] Article A1 du Réglement étalages et terrasses de la Mairie de Paris tel qu’en vigueur et qu’approuvé par arrêté du maire en date du 6 mai 2011 visant : « “les dispositions (...) des articles L.2122-1 à L.2122-3 du code général de la Propriété des personnes publiques, L.2512-13, L.2512-14 et L.2213-6 du code général des Collectivités territoriales et de l’article L.113-2 du code de la Voirie routière »

[3] Principe rappelé très récemment par la décision dite GISTI du 12 juin 2020 (CE, 12 juin 2020, GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRE.E.S, req. n°418142).

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